La naissance de l’émigration azerbaïdjanaise
La situation de l’Azerbaïdjan au début du
XXe siècle est bouleversée par les révolutions organisées à ce moment en
Russie, en Iran et en Turquie. Ces trois événements présentent des
caractéristiques comparables dans les étapes des révolutions et des
contre-révolutions. Certains chercheurs azerbaïdjanais comme Eltchin, Aliheydar
Atakichiyev, Mirza Bala Memmedzade sur le sujet de l’émigration azerbaïdjanaise
montrent qu’elle a débuté exactement à cette période et a causé le départ des
intellectuels et des élites. C’est à cette époque qu’émigrent Ali bey
Huseynzade, Ahmed Aĝaoĝlu, Memmed Emin Rasoulzade, Nassib bey Yussifbeyli, Fuad
bey Korpuzade. Leur première destination fut la Turquie ottomane. La première
étape de l'émigration, a été «officiellement » datée du vingtième siècle, dans
les années trente. Elle commença en avril 1920 tout de suite après la chute de
la République Démocratique Azerbaïdjanaise (RDA). La grande majorité de la
première vague d'émigrants était constituée par ceux qui, à cette époque-là,
quittaient les frontières de l'Azerbaïdjan soviétique. L’émigration était
légale dès lors que des parents vivaient à l'étranger et payaient en devises
leur sortie du territoire soviétique. Le franchissement illégal de la frontière
était la cause de grandes difficultés et de risques immenses. Plus tard, on a
connu encore une forme de déportation. Par exemple, en 1938 on « expédia » tous
les Azerbaïdjanais ayant des passeports iraniens en Iran (Ibrahimli, 1996).
L’émigration des Azerbaïdjanais du début
du XXème siècle jusqu’à l’occupation de l’Armée rouge s'est déroulée en deux
étapes. Dans la première étape commencée à la fin du XIXème siècle jusqu’au
début du XXème siècle, on trouvait les personnes de différents domaines et
professions ainsi que des intellectuels. Ali bey Husseynzadé, Ahmed Aĝaoĝlu,
Memmed Emin Rasoulzade et beaucoup d’autres ont émigré en Turquie, en Iran et
en Europe. L’une des raisons de l'émigration était la situation politique et
économique. Par exemple, l’une des causes de l’émigration de plusieurs intellectuels
azerbaïdjanais était liée au conflit arménien. Les guerres infinies et conflits
interethniques poussaient les gens à émigrer. Les descendants des émigrés de
cette période continuent à vivre en Turquie et dans les autres pays. Par
exemple, le fils d’Ali bey Husseynzadé, le peintre Selim Turan (Paris) ou les
enfants d’A. Ağaoğlu, Sureyya et Samed (Turquie), le fils de Djeyhun
Hadjibeyli, Timurtchin Hadjibeyli (Paris) (Tahirli, 2001).
La deuxième génération d'émigrants a
quitté le pays après la chute de la République Démocratique d’Azerbaïdjan. À
cette période, beaucoup d’hommes politiques et de personnalités publiques de
l'Azerbaïdjan étaient obligés d’émigrer. Les migrants comme Djeyhun Hadjibeyli,
Ahmed Djaferoglu, Almas Ildirim, Mirze Bala Memmedzade, Memmed Emin Rasoulzade,
Ali Merdan bey Toptchibachi se sont installé le plus souvent en Turquie, en
France ou dans d'autres États européens. On peut mentionner ici les
Azerbaïdjanais, qui après la désagrégation de la République Azerbaïdjanaise
Démocratique, sont partis vers l'Iran.
La deuxième étape de l'émigration a été
vécue principalement par d’anciens prisonniers de guerre non revenus dans le
pays natal après 1945. Ils n’avaient plus le choix, particulièrement après que
Staline ait annoncé : « les Vainqueurs jugent ». Parmi cette catégorie, il y
avait ceux qui se sont battus bravement dans les rangs des Résistances
française et italienne. Mais pendant l’époque soviétique, l’histoire de
l’humanité a connu une autre sorte de migration sous les noms de Purges,
Grande Terreur ou Terreur rouge stalinienne.
Au cours du XXème siècle, l'étude de la
politique répressive en URSS a été menée sans utilisation des sources
statistiques et des données des organismes internationaux. Ces documents
étaient tenus strictement secrets, et donc inaccessibles. Justement, à la fin
des années 1980, avec la mise en place d'une politique plus libérale en matière
d'expression (glasnost) et la démocratisation, les chercheurs
réussissent à accéder aux archives et à rendre publics les articles, auparavant
interdits sur le sujet des prisonniers du goulag. Ces publications de
statistiques ont donné de nouvelles forces vives pour une étude ultérieure
féconde du problème. Par contre, personne ne peut donner de statistiques
exactes sur les victimes du régime communiste en URSS pour la simple raison que
les documents authentiques demeurent insuffisants, occultant certaines
disparitions. En plus, sur les plaques commémoratives établies en l'honneur de
ces citoyens, fusillées ou décédés dans les camps, l’information sur les
conditions exactes de leur mort tragique reste absente. Il a été révélé et
marqué les signes mémoriaux seulement sur une petite partie des tombeaux et des
milliers de cimetières à côté des camps ont été perdus ou bien transformés en
terrains vagues. À leur place, de nouveaux blocs d'habitations où des ensembles
industriels ont été bâtis. Jusqu'ici, des millions de gens ne savent pas oùsont
enterrés leurs parents, leurs grands-parents et leurs arrière-grands-parents.
Les chercheurs russes H. Q. Okhotin et A.
B. Roguinsky donnent le chiffre d’environ 5,5 millions de personnes condamnées
et exilées pour la seule période de 1921 à 1953. Ils divisent les catégories
principales les plus massives des victimes des répressions politiques en URSS
de l’époque stalinienne (Roguinsky, Okhotin, 2005).
La troisième étape de l’émigration s’est
déroulée durant les années 1970 et 1980. La raison était la recherche d’un «
autre monde ». L’émigration de l’URSS de la deuxième moitié du XXème siècle
jusqu'à la fin des années 1970, était couverte par l'immigration. Il est apparu
une période d’une certaine liberté d’émigrer (surtout des étudiants) pendant la
période du Dégel, des pays de l'Asie et l'Afrique venant en URSS. Le chercheur
russe E. Dolgikh (2001) présente le tableau de la migration internationale
nette de la population de l’URSS entre les années 1961 à 1990.
La migration internationale nette de la population de l’URSS entre les années 1961 à
1990
Les années
|
Solde
migratoire (URSS)
|
1961-1965
|
307.8
|
1966-1970
|
121.9
|
1971-1975
|
- 66.1
|
1976-1980
|
- 147.4
|
1981-1985
|
- 25.5
|
1986-1990
|
- 668.1
|
La mort de Staline a mis la fin aux
déportations massives, mais le système d’organisation des mouvements
migratoires lancé sous Staline a été modifié. Pendant la période soviétique, le
grand processus migratoire était essentiellement composé de la migration
intérieure et toujours déterminé par l’État. C’était plutôt l'industrialisation
forcée, pour accélérer l’évolution de l'urbanisation et le développement de
régions périphériques, avec le but de transformer le pays agraire en un pays
industriel le plus vite possible qui a motivé ces flux migratoires. Des
migrations massives étaient nécessaires pour le développement, mais leur
contrôle strict était aussi nécessaire pour maintenir le régime politique
totalitaire. Pourtant l’autorité craignait le contrôle sur des migrations
massives qui présentait un risque de ruiner le système de l’État.
Une autre période de l’émigration des Azerbaïdjanais a
été dans les années 1960 et 1980. Pendant cette période, le désir d’émigrer
légalement de l'Union soviétique n'est plus considéré comme un crime, mais
considéré par les autorités comme une trahison de ses concitoyens. Avant la
ratification du Pacte internationale de 1973 sur les droits civils et
politique, l'Union soviétique ne reconnaissait pas le droit à émigrer librement
et le permis de sortie ne dépendait que de l'attitude des autorités[1].
L’émigration des Azerbaïdjanais à cette
époque était essentiellement vers la Turquie et l’Iran. Le départ en Turquie
était lié essentiellement avec le travail. Par contre, le deuxième cas avait
une caractéristique spécifique. La Révolution iranienne, en renversant l'État
impérial de la dynastie Pahlavi en 1979, a transformé l’Iran en République
islamique ce qui a engendré la fuite de population vers l’étranger.
Avec la chute du mur de Berlin en 1989 et
l’effondrement de l’URSS en 1991, le monde s’en trouve complètement modifié. Ce
processus engendre la division de certains états en Europe comme en
ex-Yougoslavie et en ex-Tchécoslovaquie, la création de nouvelles zones de
conflit et aussi, la proclamation de l’indépendance de certains pays comme
l’Azerbaïdjan en octobre 1991. Ces modifications politiques provoquent des
mouvements de population. Essentiellement liée avec la sécurité, surtout en
raison du conflit arméno-azerbaïdjanais qui a laissé une trace dans l’économie,
les hommes émigrent et s’installent dans les pays de la CEI, particulièrement
en Russie et en Ukraine, mais aussi en Allemagne, en Israël, et ailleurs.
Aujourd’hui, les raisons de l’émigration du peuple azerbaïdjanais sont
différentes.
Bibliographie
1. Алиев Игpap(1995), История Азербайджана с древнейших времен до начала XX века (ALIYEV Igrar, Histoire de l'Azerbaïdjan de l'Antiquité au début du XX e siècle), Баку, Элм.
2. Altstadt Audrey L. (1992) The Azerbaijani Turks: Power and Identity under Russian, Rule, Hoover Institution. Stanford University, Studies of Nationalities in the USSR Series.
3. ArzumanliI Vagif (2001) Azerbaycan Diasporu (Diaspora d’Azerbadjan), Bakou, Qartal.
4. Asgarov Vazeh (2014) L’immigration des Azerbaïdjanais, Saarbrücken, PAF.
5. Balçi Bayram (2008), La place de la « diaspora » azerbaïdjanaise dans la politique de l'Azerbaïdjan postsoviétique : esquisse d'analyse, EurOrient, 28, pp. 185-204.
6. БУГАЙ Николай (2004), Депортация народов (Déportation des peuples), in: Война и общество (BOUGAY Nikolay, La guerre et la société), 1941-1945, Москва, Наука.
7. Constant Antoine (2002) L'Azerbaïdjan, Karthala (Méridiens), Paris.
8. De Tapia Stéphane (2005) Migrations et diasporas turques. Circulation migratoire et continuité territoriale, 1954-2004, Paris, IFEA et Maisonneuve & Larose.
9. ДЕМБИЦКИЙ Н. П. (2004), Судьба пленных in : Война и общество (DEMBITSKIY N, Le destin des prisonniers in : La guerre et la société), 1941-1945 книга вторая, Москва, Наука, (стр.232-264)
10. ДOЛГИХ Елена Ивановна (2001) Эмиграция из России (DOLGUIKH Elena Ivonova, L’émigration de la Russie), интернет-журнал "ПОЛЕМИКА", 2001, №9.
11. Hadjibeyli Timoutchine (1988) Le question du Haut Karabagh. Un point de vue azerbaïdjanais, Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, N°48-49, 1988. Le monde musulman à l’épreuve de la frontière. pp.281-290, source : http://www.persee.fr
12. İbrahimli Xaleddin (1996), La politique d’immigration d’Azerbaïdjan, (1918 - 1991), Bakou, Elm.
13. LOIKO Sergei (2001), Russians are leaving the country in droves, Los Angeles Times, 14. 11. 2011.
14. Rizvan Nazim (2002), D’histoire de la diaspora d’Azerbaïdjan, Bakou, Borçalı HPM.
15. Tahirli Abid (2001), L’immigartion d’Azerbaïdjan, Bakou, Tural-Ə.
16. Tahirli Abid (2007), La littérature azerbaïdjanaise à l’émigration (1921-1991), Bakou, Çinar Çap.
17. Sadykova Bakhyt (2007) Mustafa Tchokay dans le mouvement prométhéen, Paris, IFEAC – Harmattan.
18. Valikhanli Naila (2007), L’histoire d’Azerbaïdjan IIème volume, Bakou, Elm.
19. Vichnevski Anatoli, Zayontchkovskaia Jeanne (1991), L'émigration de l'ex-Union soviétique : prémices et inconnues, in : Revue européenne de migrations internationales, vol. 7 N° 3, p. 41-66.
Dr. Vazeh ASGAROV
[1] Otkaznik (en russe : отказник) était le
terme officieux désignant les personnes à qui le visa d'émigration était refusé
par les autorités de l’Union soviétique,
principalement (mais pas uniquement) des Juifs soviétiques. Natan
Sharansky était en 1976, l'un des fondateurs et le porte-parole du mouvement
refuznik.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire