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vendredi 4 septembre 2020


Les khanats azerbaïdjanais et la conquête de la Russie impériale

Les khanats azerbaïdjanais et la conquête de la Russie impériale


Paris / Lagazetteaz https://www.lagazetteaz.fr/news/politique/1916.html

Dr. Vazeh ASGAROV,
Docteur de l’Univesité de Strasbourg
Directeur de l’Université franco-azerbaïdjanaise

En Azerbaïdjan, dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle, il n'y avait aucun centre commun économique, il existait juste des provinces fermées où prédominait l’économie naturelle entre les féodaux. Les féodaux locaux -les khans, les sultans, les méliks, et les beys, en se souciant seulement de l’indépendance personnelle, n’étaient pas intéressés par le morcellement féodal et empêchaient par tous les moyens la création d’un pouvoir central. Les branches principales de l'économie du pays étaient l'élevage, et particulièrement, l'agriculture. La terre était un principal bien d'investissement puisqu'en général il est à la base pour les relations féodales. L'histoire politique presque tous les khanats de l'Azerbaïdjan étaient faits de guerres éternelles et de révolutions de palais sanglantes. Presque tous les khanats de l'Azerbaïdjan se sont formés autour de n'importe quelle ville du centre administratif existant depuis le moyen âge. Seul le khanat de Karabakh faisait exception. Son fondateur, Panakh Ali khan à la différence des autres, nommait sa capitale la forteresse Bayat. En 1751, le khan construit la ville Panakhabad à l’honneur de son fondateur, sur l’ancienne ruine de la ville de Shousha détruit à l’époque par les Mongols. Par la suite, la ville accepte son ancien nom – Shousha. Très vite, la nouvelle ville augmente son économie et devient un des centres commerciaux de l’Azerbaïdjan du Nord (Svyataçovski, 2000).

Entre les khanats de l’Azerbaïdjan du Nord le plus influent et assez puissant était le khan de Shéki, Hadji Tchélébi (1747-1755), qui avait de grandes ambitions pour la restauration de l’antique domaine des chahs du Shirvan, sur la rive gauche du fleuve Koura.

À cette époque, il n’y avait pas de tradition d'unification des khanats dans le cadre d'une structure autonome, indépendante, et un tel état ne pouvait émerger que par l'expansion intensive de l'un des khanats. En Azerbaïdjan du Nord, les plus forts khanats étaient Shéki, Quba et Karabakh. Les menaces ottomanes, russes et perses ont simultanément commencé à se sentir dès la fin du XVIIIème siècle dans le Caucase et ont incité l’alliance entre les khanats. L'historiographie soviétique de l'Azerbaïdjan accordait une attention particulière à la guerre prétentieuse de Khan de Quba – Fathali khan, voyant en lui un initiateur de la réunification du pays. En 1780, le khanat de Quba, grâce à Fathali khan, comprenait les territoires de Shemakhi, Derbent, Bakou, Shéki, Talych et une partie des territoires du Daghestan (Mahmoudov, 2005). Fathali khan était vraiment dans la mesure d'étendre son autorité sur de vastes régions de l'Azerbaïdjan, mais ses ambitions allaient beaucoup plus loin. Il avait l'intention d’utiliser l'Azerbaïdjan comme un tremplin pour envahir la Perse. Quoiqu'il en soit, les plans de Fathali Khan ont échoué, quand en 1784 l'armée russe au cours de la lutte contre la Turquie est passée par le Caucase et a mis en danger l’armée du Khan. La Russie était inquiète par la croissance que Quba pouvait amener à l’apparition d’un fort état indésirable sur le territoire. Fathali khan a été contraint de refuser la plupart partie de ses gains (Svyataçovski, 2000).

Pendant l’administration de Fathali khan, une partie considérable du territoire de l'Azerbaïdjan du Nord, se trouvant sous son pouvoir, s’est témoigné des guerres infinies. Il semblait que la tentative du groupement politique féodal morcelé de l'Azerbaïdjan s'est réalisée, cependant avec la mort de Fathali khan (1789) ce groupement, peu solide et n'ayant pas de base économique, s'est désagrégé.

Outre les khanats il y avait encore de petits sultanats, qui se trouvaient d'habitude sous la dépendance d’autres khanats. Certains élargissaient leurs territoires avec les terres des voisins, ou en faisaient leurs vassaux. L’Azerbaïdjan du Nord et du Sud comptaient quatorze khanats, cinq sultanats et cinq mélikats (Vəliyev, 2000).

À cette époque-là, on assiste à la renaissance du pouvoir central en Perse tandis qu’au nord de l’Araxe régnait la semi-anarchie parmi les petites baronnies de l’Azerbaïdjan. Agha Mohammed Khan (1742-1797), chef de la tribu turque des Qadjars, réunifie le vieil empire en Iran et pour sa prochaine étape de pouvoir, planifie envahir les régions du Caucase. En 1795, il a lancé son armée sur Shousha au Karabakh d’un côté, et de l’autre vers la steppe du Moughan pour accéder à la plaine de la Koura. En rencontrant de la résistance au Karabakh, il a décidé de s’élancer sur Tbilissi pour renouveler son serment d’allégeance à la Perse qui était rejeté depuis la signature du traité de Gheorghievski avec la Russie en 1783. Peu après la résistance, le khan du Karabakh Ibrahim Khalil s’est réfugié dans la forteresse du Shousha. Avec son retour en Iran, Agha Mohammed Khan devient l’empereur de Perse, mais son but de reconstituer l’empire des Séfévides ne se réalise pas. Mais de cette conquête, la population d’Azerbaïdjan n’eut que des guerres, des massacres, des cadavres, des veuves et des esclaves. Chaque changement de pouvoir bouleversait radicalement l’ordre politique et social (Ismayilov, Həsənov, Qafarov, 1995).

Pour avoir une bonne protection contre les agressions persanes ou ottomanes, le premier conseiller de la tsarine, le prince Potemkine avait pour plan de créer deux états chrétiens dans le Caucase du Sud ; l’Arménie sur la rive nord de l’Araxe et la Géorgie sur la rive nord de la Koura (Constant, 2002 : 171).

Le gouvernement de Catherine IIe, inquiétant par l'irruption des troupes iraniennes en Transcaucasie, ne pouvait pas menacer les frontières sud de la Russie, en plus, ayant l'intention d’occuper cette région, en avril 1796, il a dirigé ses troupes sous le commandement de V. Zubov vers l'Azerbaïdjan. Ne souhaitant pas la collision avec les troupes russes, Agha Mohammed Khan quittait les frontières de la Transcaucasie avec son artillerie.

Sur le territoire de l'Azerbaïdjan, les troupes russes ont rencontré une forte résistance près de la forteresse de Derbent. Chikhali khan, l’héritier du Fathali khan, ne souhaitait pas se soumettre aux étrangers. Cependant, la technique militaire de l’ennemi était supérieure. Chikhali khan était obligé d'ouvrir les portes de Derbent pour éviter un affreux carnage. Il y a une légende qui raconte que les clés de la forteresse furent apportées au commandant Zubov par un vieillard de 120 ans, qui les a présentés il y a 74 ans à Pierre Ier. Après deux semaines, Zubov déclare l’indépendance de khanat Derbent et avance avec ses troupes vers Bakou. À la fin du mois de juin, le khan de Shemakhi et de Shéki ont signé le traité assermenté « prêter serment sur la fidélité de la Russie» (Əliyev, 2007).

Ainsi, l’invasion de l’Azerbaïdjan par des troupes russes, en 1796, empêchait l'Iran de le faire. Cependant, la marche militaire de la Russie en Azerbaïdjan du Nord ne pouvait pas être considérée comme une « aide » aux Azerbaïdjanais. Le gouvernement russe avait l'intention de réaliser son but colonial, ce que la Russie a fait avec l’arrivée de Paul Ier. Outre les intentions stratégiques, l’intérêt était le port principal de la mer Caspienne, Bakou et d'autres régions sur le territoire de l'Azerbaïdjan que devait créer un endroit favorable pour le commerce avec tous les pays voisins et le Moyen-Orient. Toutes ces mesures indiquées devaient être réalisées dès 1797 (Constant, 2002). Cependant, la mort inattendue de l’impératrice (le 6 novembre 1796) a limité pour un certain temps la réalisation de ce plan.

Avec la mort de Catherine IIe, l’impératrice de Russie, Agha Mohammed Shah profite de l’occasion, en juin 1797, pour reconquérir l’Azerbaïdjan.

Étant monté sur le trône, Paul Ier a ordonné aux troupes russes de quitter plus rapidement la Transcaucasie. Après la sortie des troupes russes, Agha Mohammed Shah a décidé de faire la deuxième invasion ruineuse en Transcaucasie. Le Shah a commencé à détruire les khanats de Nakhitchevan, Khoy et Talych qui s’opposaient à ses projets.

À cette époque, le khan de Karabakh Ibrahim Khalil khan organisait la résistance contre le chah en dehors de Shousha. Après le combat sanglant, Ibrahim Khalil était obligé de s’enfuir au Daghestan vers ses parents avars (minorité dans le Caucase du Nord).

Installé à Shousha, Agha Mohammed Shah a ordonné à tous les khans de l'Azerbaïdjan du Nord de lui rendre hommage ou de lui envoyer des dons. Mais les khans n'ont pas répondu tout de suite au premier appel du Shah. Le khan de Bakou, Hossein Goulu khan, n'est pas parti à Shousha même après deux « invitations ». Alors la troupe de Chah l'a livré avec force et le khanat lui-même a mis en gérance du khan de Derbent, de Cheik Ali- khan, qui se trouvait à ce moment dans le service du Shah. Le khan de Shéki, lui-même, ne se trouvant pas chez le Chah et probablement craignant de sa propre vie, a exprimé l'humilité dans les messages écrits au Chah (Əliyev, 2007).

Pourtant, la même année, Agha Mohammed Chah est assassiné dans son camp par deux de ses valets condamnés à mort pour une dispute. Son neveu Fath Ali chah lui succède.

Ayant réglé les problèmes intérieurs, Fath Ali chah exigea une grande somme d'argent à toutes les régions de Transcaucasie. En recevant l’ordre du Chah iranien, le nouveau roi de Géorgie Géorguy XII et plusieurs khans Azerbaïdjanais ont rejeté cette exigence et avec une grande inquiétude a informé l'État russe d'un nouveau danger approchant du côté de l'Iran. Le chah, s'étant persuadé de l’impuissance de son armée devant la troupe russe qui avait une technologie plus récente, a entrepris la réorganisation de ses troupes. Pour instruction de ces soldats, il invitait des spécialistes militaires européens, principalement de France. Ainsi, à la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècle sont apparues toutes les conditions nécessaires historiques pour le début de la première guerre russo-iranienne en Transcaucasie (annexe p.367).

Les premiers territoires azerbaïdjanais inclus à la Russie sont les sultanats de Gazakh et Shamshadil tout au début du XIXème siècle. En 1802, le commandant en chef du Caucase devient Tsitsianov. Lui-même, appartenant à la famille géorgienne Tsidjischvili, avait des intérêts personnels pour cette région. À cette époque en cherchant le soutien auprès des deux puissances, les khans tombaient sous leurs influences et s’alliaient avec eux. Mais ces alliances ne garantissaient pas leurs pouvoirs. Par exemple, celui du khanat de Gandja au début de 1804 tombait dans un piège. En réponse à la menace du Chah de Perse, le commandant Tsitsianov occupa Gandja. Tandis que le Chah devait défendre le khanat contre le danger. Le khan Djavad est assassiné et plusieurs milliers de personnes sont massacrées. 500 personnes enfermées dans une mosquée et brûlées (Constant, 2002: 176). Une autre mosquée transformée en église et la cité rebaptisée Ielizavetpol en honneur de la tsarine. En effet, le début de la guerre a commencé à être durement ressenti.

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