Les
événements de 1905-1906
entre les Azerbaïdjanais et
les Arméniens
Dans
le premier tiers
du XIXème siècle, après deux guerres russo-iraniennes et deux guerres russo-ottomanes l'Empire russe occupait l'Azerbaïdjan du Nord et la Géorgie. Les khanats azerbaïdjanais et le royaume de Géorgie étaient
supprimés
et inclus dans l'Empire
russe du Caucase. Sur les territoires des khanats de Nakhitchevan et d’Erevan en 1828, était crée l’oblast arménien afin de
christianiser
par
la force les peuples musulmans, agrandir les territoires des chrétiens,
rendre la confiance et le soutien fiable à l’Empire dans les différents domaines
de la culture,
de
la langue et de relation interethnique .
Aux termes des traités de Turkmentchay (1828) et d’Edirne en 1829,
les Arméniens qui, à cette époque, vivaient en Iran et dans l’Empire ottoman ont été contraints de s'installer en Azerbaïdjan, essentiellement sur le territoire des khanats de Nakhitchevan, Erevan et
Karabakh. Entre 1828 et 1830, on estime que 40 000 Arméniens d’Iran et 84 000 Arméniens de Turquie s'installèrent dans la région Transcaucasienne. Ils occupent les meilleures terres
des
provinces d’Elizavetpol (Gandja), Karabakh et d’Erevan où la population arménienne était insignifiante à l’époque. Le gouvernement russe attribua 200 000 dessiatines (mesure de
superficie) de terres aux Arméniens. En réalité,
la politique russe visait
à transformer la structure démographique
de l’Azerbaïdjan au profit des Arméniens
et aux dépens des Azéris. Après avoir envahi la partie est de la Turquie en 1854, les Russes déportèrent
100 000
Arméniens vers
le
Caucase où ces
derniers
s'installèrent à la place
des Azerbaïdjanais contraints
à l’émigration ou à la
mort.
Après la guerre russo-turque des
années
1877-1878,
grâce aux
efforts des
pays
européens (l'Angleterre et la France), la question arménienne devenait l’ordre du jour et se
donnait un moyen d'acquérir l'autonomie dans l'est de l'Anatolie. Au cours de ces années en Turquie une véritable
propagande était
menée pour
favoriser l'insurrection arménienne. La
direction de ce
travail était
assurée par
les partis politiques
nationalistes
et socialistes
Hentchak (fondé en 1887 à Genève) et Dashnaksoutioun (fondé en 1890 à Tiflis).
Le but de ces partis
était la création d’un
état libre et autonome
des peuples arméniens
dans les provinces ottomanes de la Turquie. Il y
a eu des confrontations entre les Turcs, Kurdes et Arméniens. Les médias de
l'Europe écrivaient de
massacre des Arméniens.
Les bouleversements produits par les Arméniens en Turquie en 1894 et 1896 étaient réprimés
par le sultan Abdülhamid. La grande partie des organisateurs et les activistes de ces confusions
jetaient en prison oùdéménageaient dans diverses régions du Caucase.
En 1905, les mécontentements
et les émeutes
contre le pouvoir
impérial
débutés en
Russie commençaient à se sentir dans la Transcaucasie. L'église
arménienne
au début du XXème siècle jouait un rôle essentiel pour les partis nationalistes arméniens. Cependant, ce nationalisme produisait une contradiction avec la politique
d'assimilation conduite par le gouvernement impérial. Le gouverneur du Caucase, le prince Grigory Golicyn, diminua le quota
des élites arméniennes face à l’élite musulmane. Dans quelques
écoles secondaires, il
était autorisé l'étude de la
langue russe. Le décret de 1903 sur
la transmission des terres et des biens d'Église au Ministère
de
l'Agriculture portait un
grand coup
aux
partis politiques
financés par l'Église.
L'édition de cette
loi
devenait
une
raison de l'élargissement du terrorisme arménien et l'accroissement des humeurs antiturcs et antimusulman. Pour affaiblir
les forces antigouvernementales, l’état créait
des désaccords
multiethniques dans la région. Tadeusz
Swietochowski montre que
: voyant
la
réaction négative des Arméniens
à
la
fermeture des
écoles
nationales et
à
la
tentative
d'affiliation d'église Grégorienne à l'Orthodoxe,
le pouvoir a
commencé l'inflation d’un
jeu entre
des musulmans et des
Arméniens. À Erevan et à Etchmiadzine, l'église arménienne
a organisé des insurrections
contre cette loi. Les Arméniens organisaient des actes de terreur. Dans la
ville on diffusait des tracts prétendument signés par le chef de la police urbaine (mais la
contrefaçon a été
trouvée plus tard), appelant
le
peuple azerbaïdjanais à attaquer les
Arméniens.
Par contre, le pouvoir
n’accordait pas aux musulmans le port d'arme. Après
la visite de Nakachidze, le nouveau gouverneur du Caucase à Saint-Pétersbourg en janvier 1905, le gouvernement sanctionnait la
distribution aux musulmans d'armes en grande quantité. Antoine Constant souligne : les autorités russes encouragèrent des groupes informels
azéris à s’opposer
aux activistes
arméniens. L’utilisation
de tels groupes, profitable à l’intérieur,
donnait à l’extérieur un gage de la bonne foi russe (Constant, 2002 : 225).
Les collisions arméno-azerbaïdjanaises étaient provoquées au début de l’année 1905
sous le prétexte de
l’assassinat d’un musulman par les dashnaks.
Les violences interethniques,
entre 1905-1906, auront lieu non seulement dans les villes de Bakou, Gandja, Karabakh, Erevan, Nakhitchevan, Zanguezour
mais aussi dans les villages. D’après les estimations, 128
villages arméniens et 158 villages azerbaïdjanais étaient détruites
et causantes de 3 000 à 10 000 victimes plupart étant des Azerbaïdjanais.
Justin McCarthy
et
Carolyn McCarthy dans leurs Turcs et les Arméniens (1989)
soulignent : qu’on parle
toujours du génocide des Arméniens
et jamais des massacres des musulmans. En outre, en ignorant le siècle d'histoire du conflit, comme une évaluation
unilatérale des événements efface le passé
terrible et le présent dangereux du conflit.
Les représentants de l'intelligentsia azerbaïdjanais comme
H. Zardabi, F. Kotcharli, N. Vezirov, M. Shahtahtinsky, E. Toptchibachi, E. Sultanov voyaient ces événements comme
un grand désastre et essayaient de mettre fin par tous les moyens à ces actes cruels et absurdes.
Ils
étaient aussi chargés de guider la communauté musulmane de la Transcaucasie puisqu'il n'y
avait pas d'autre groupe qui était en mesure d'assumer ce rôle. En 1906, les socialistes
musulmans publiaient le premier journal bilingue arméno-azerbaïdjanais Davetkach (Appel). Ce journal clandestin a été adressé à la population arméno-azerbaïdjanaise et accusait le gouvernement de provocation à la haine ethnique. Après la publication de 16 numéros,
ce journal fut fermé par le gouverneur de Bakou (Swietochowski 1995).
H. Z. Taguiev, «
le père du peuple azerbaïdjanais », selon la population, a joué un rôle exceptionnel pour calmer le conflit arméno-azerbaïdjanais organisé par
la Russie tsariste. Il envoyait des lettres aux différents fonctionnaires des villes azerbaïdjanaises en demandant la paix. Voici
quelques extraits de réponses
envoyées à Taguiev.
Ex.
: cher
Monsieur
Hadji,
nous
avons lu votre
télégraphe en
présence des communautés arméniennes et de musulmane
de Karabakh. La population de
ces deux ethnies
est
déjà déçue pour ces événements et me demande de vous remercier pour votre appel à la paix.
Ces deux
peuples
frères sont sûrs qu’avec votre
présence,
ces événements
ne
se
répéteront plus à Bakou. Le chef de la municipalité Safaralibeyov, Karabakh, Shousha, 14 février 1905
(Journal Elm, N 6/182,
11 février 1989).
Ex.
: cher Monsieur Hadji, ce vendredi
les religieux musulmans et d’Arméniens
se rassemblaient à la mosquée pour lire votre demande. La population était appelée à la paix et a rendu ses armes. Demain nous allons répéter ce
rassemblement. Je
vous assure qu’actuellement il existe la paix entre ces deux ethnies. Poladzadé, Pishnamazzadé, Gandja
14février 1905 (Journal Elm,
N 6/182, 11 février 1989).
La menace réelle de l'alliance russo-arménienne a poussé la
création des organisations politiques clandestines azerbaïdjanaises pour
faire face à
ce danger. Le parti Difai (Défense),
fondé en 1905 par Ahmed Ağaoğlu et le parti Müdafiə (Défense) fondé par S. Roustambékov, A. Khasmamedov,
les frères Ziyadkhanov et Geyrət (Honneur), créé en été
1905 coordonnaient leurs actions pour aider les peuples musulmans et cherchaient à atténuer les conflits
locaux.
En 1906, à l'initiative de Vorontsov-Dashkov, gouverneur du Caucase, a eu lieu une
conférence
de paix
à Tiflis pour mettre
fin au
conflit arméno-musulman.
Lors
de la conférence, les représentants des musulmans A. Ağaoğlu, A. Toptchibachi, A. Ziyadkhanov et d'autres incriminaient les intentions du parti Dashnaksoutioun
et prouvaient que le
gouvernement a fermé
les
yeux sur les intérêts de
ce
parti, qui est l'organisateur et l’exécuteur des massacres et du terrorisme
perpétrés dans la
région du Caucase. Selon Tadeusz
Swietochowski
(2000), lors
d’affrontements,
en
1905, il a été détruit 158
villages azerbaïdjanais et arméniens et selon différentes estimations de 3 000 à 10
000 personnes sont
tuées.
"L'immigration des Azerbaïdjanais en France" Vazeh ASGAROV 05/09/2013