Les recherches et les différentes publications sur les émigrants azerbaïdjanais.
Pendant les dernières années de l’époque soviétique, vers la fin des années 1980, la « perestroïka », le nationalisme et l’indépendantisme se ressentirent aussi dans la presse. Dans un pays où tout était « idéal », on commença à entendre des critiques. A cette époque, on assista de plus en plus à la publication d’articles sur l’immigration azerbaïdjanaise. Au début, ces articles étaient plutôt informatifs. Par exemple, dans le journal Odlar Yurdu (Terre de Feu), publié depuis 1960, dans presque tous les numéros, il y avait une page spéciale appelée A l’attention des lecteurs. Les lecteurs ont envoyé à la rédaction les noms de leurs proches portés disparus après la deuxième Guerre Mondiale. Au début des années 1990, le thème de l’émigration devint très actuel et commença à intéresser de plus en plus les chercheurs. Mais il faut aussi souligner que le mot mühacir (immigré), même à l’heure actuelle, est souvent associé aux mots vətən xaini (traitre à la patrie) satqın (déserteur). Ici, on assiste au même phénomène qu’en France pendant la deuxième Guerre Mondiale lorsque les Français appelaient les Alsaciens, qui parlaient dans un dialecte proche de l’allemand, schleu, ce qui signifiait le traître. Chleuh, c'est le nom des populations berbères du Maroc occidental. Les soldats français qui combattirent au Maroc au début du XIXème siècle appelèrent ainsi les soldats des troupes territoriales. A leurs yeux, c’étaient des sauvages, des barbares qui parlaient une langue incompréhensible. Ce terme importé en France désigna alors les Alsaciens et autres frontaliers qui parlaient une autre langue que le français, on disait que ce sont des chleuhs qui parlent schleu, puis ce terme désigna le soldat allemand avant de définir plus largement l'occupant allemand durant la seconde Guerre Mondiale.
Pendant l’époque soviétique le mot migrant a changé de signification. Actuellement, au lieu d’employer le mot mühacir (migrant) on rencontre plus souvent les termes diaspora üzvü (membre de la diaspora) ou dünya azərbaycanlıları (les Azerbaïdjanais du monde).
Movsum Aliyev, Nikpur Djabbarli, Eltchin Efendiyev, Khaleddin Ibrahimli, Chamil Qurbanov, Asif Rustemli, Vaqif Sultanli, Abid Tahirli, Nesiman Yagublu sont les pionniers qui ont publié de nombreux livres, revues et des articles sur l’immigration. La question est de savoir comment se déroulaient les événements en dehors du pays avant et pendant l’époque soviétique.
En Azerbaïdjan, pour la première fois à la fin des années 1980, apparurent les publications relatives à l’émigration azerbaïdjanaise. Le chercheur Movsum Aliyev, sous la rubrique « Première fois sur cela » commença à publier ses articles sur des émigrants assez connus comme Memmed Emine Rasoulzade, Alimardan bey Toptchibachi, Djeyhoun Haddjibeyli etc. En 1988, fut crée l’association Vətən (Patrie) , sous la direction d’Eltchin Efendiyev, qui jouera un rôle important pour la création des liens entre l’Azerbaïdjan et ses émigrés. Bientôt l’association mobilisa des milliers de personnes autour d’elle et reprit le journal Odlar Yurdu (publié depuis 1960) comme organe de presse qui fut distribué non seulement en Azerbaïdjan, mais aussi à l’étranger. Ce lien, aida également les chercheurs à approfondir leurs recherches. 18 personnes en 1988 et 47 personnes (émigrants) en 1989 furent invitées par l’association Vətən au pays pour visiter les régions de l’Azerbaïdjan. En même temps, une dizaine d’artistes partirent en Europe, au Canada et aux Etats Unis pour donner des concerts à leurs compatriotes. (Approfondir)
Le collaborateur de l’association Vətən Abid Tahirli dans son livre l’Immigration (Emigration) Azerbaïdjanaise publié en 2001 présente l’émigration azerbaïdjanaise du vingtième siècle en cinq étapes. La première étape couvre les années 1905-1907 lorsque la révolution a éclaté dans la Russie tsariste, et s’est étendue dans les provinces de l’empire. Par conséquent, la plupart des intellectuels (A. Agaoglu, M.E. Resulzadé, A. Husseynzadé) étaient obligés de passer par l’Iran et par la Turquie pour rejoindre l’Europe. La seconde étape englobe les années 1915-1920, commençant avec la Première Guerre Mondiale sur le front russo-turc entre 1914-1917 jusqu'à la première indépendance de la République d’Azerbaïdjan et son occupation par l’Armée Rouge. Cette étape a laissé une trace très profonde dans l’histoire de la libération du peuple azerbaïdjanais. L’auteur souligne que cette émigration est différente de celle de la précédente en expliquant que cette fois les migrants étaient les leaders d’un pays qui a eu son indépendance et non pas d’un parti politique. La troisième étape concerne les années 1937-1939 - l’époque de la répression, la période la plus dure pour les intellectuels, les écrivains, les scientifiques etc. A la fin des années 30, des milliers d’Azerbaïdjanais furent déportés en Sibérie, en Asie Centrale et au Kazakhstan. Une partie des intellectuels azerbaïdjanais (Almas Ildirim, Abdulvahab Yurdsever) ont échappé au stalinisme et ont trouvé refuge en Turquie ou en Iran. En ce qui concerne l’époque de la Seconde Guerre Mondiale en URSS, les années 1941-1946 et l’après-guerre, le chercheur la considère comme étant la quatrième étape. Des milliers d’Azerbaïdjanais ont décidé de rester à l’étranger afin d’éviter d’être déportés en Sibérie. L’auteur avoue que cette étape reste à explorer et demande encore beaucoup de recherches. Enfin, la dernière étape correspond aux années 1970-1980 et expose plutôt le cas des migrants qui sont à la recherche d’un autre monde. Cette étape concerne plutôt les Azerbaïdjanais originaires d’Iran et de Turquie. A. Tahirli a consacré quelques livres sur la publication à l’émigration : Azərbaycan mühacirət mətbuatı I et la II parie, (2002-2003), Azərbaycan mühacirət mətbuatında publisistika, (2005).
Eltchin Efendiyev divise les étapes de l’émigration azerbaïdjanaise de la façon suivante: 1 L’émigration commencée à la fin du XIXème siècle jusqu’à la République Démocratique d’Azerbaïdjan (RDA). 2 Après l’effondrement de la République Démocratique d’Azerbaïdjan 3. Cette génération comprend principalement d’anciens prisonniers de guerre qui ne sont pas retournés dans le pays natal après 1945. 4. La dernière génération commence avec la révolution iranienne en 1979. Certains chercheurs ne sont pas d’accord avec ce point en justifiant qu’on ne peut pas émigrer d’un «Azerbaïdjan sud» (iranien) vers un « Azerbaïdjan nord (soviétique) ».
Khaleddin Ibrahimli dans sa Politique de l’émigration de l’Azerbaïdjan (1920-1991) présente en général l’émigration des Azerbaïdjanais en quatre étapes : La première étape commence avant les événements du 27 avril 1920 avec la délégation envoyée à Tbilissi sous la direction H. Aghayev et à Paris sous la direction A. M. Toptchibachi, ainsi que 100 étudiants envoyé par la RDA en Europe pour continuer leurs études. La deuxième commence avec l’occupation soviétique, à partir du 27 avril 1920 et après. Sous la troisième période l’auteur rassemble les émigrants fuyant la répression, la prison, l’exil avant la deuxième Guerre Mondiale. La quatrième étape commence, d’après l’auteur, pendant la deuxième Guerre Mondiale, avec les anciens combattants qui ont refusé de rentrer et qui se sont alliés soit aux allemands sois aux français. L’auteur présente une nouvelle étape politique de l’émigration azerbaïdjanaise, ses causes et ses origines. Dans la seconde partie il fait état de la création de la vie associative et dans la troisième partie il aborde l’époque de la Seconde Guerre Mondiale en expliquant la situation après la guerre jusqu’aux années 80.
A partir des années 1990, les chercheurs ont été très intéressés par la question de la migration en publiant différents ouvrages. Le premier livre sur le sujet a été écrit par un migrant lui-même, Mirza Bala Memmedzadé, intitulé Le Mouvement National de l’Azerbaïdjan. Ce livre a été écrit à l’occasion du 25ème anniversaire du Parti Moussavat (Egalité) crée en 1936 après le traité de Varsovie. Publié en 1938 à Berlin, le livre montre la création du Parti Moussavat et explique son succès au sein de la RDA. L’auteur donne deux raisons relatives à la politique d’émigration azerbaïdjanaise jusqu’à l’occupation soviétique. La première est liée au traité de Gulistan de 1813, l’occupation de l’Azerbaïdjan par les Russes et la division du peuple en deux parties. La deuxième, avec les répressions commencées après la première révolution russe en 1905-1907. D’après l’auteur, la première émigration politique commence au début du XIXème siècle, avec le désir d’indépendance des khanats, d’unir le peuple divisé en deux et de mettre fin à l’influence russe. La deuxième émigration politique est liée avec la volonté d’avoir, initialement, l’autonomie culturelle du pays puis, un statut fédéral au sein de la Russie jusqu’à l’indépendance de l’Azerbaïdjan. Il faut noter que la troisième partie du nouveau programme du Parti Moussavat concernait le dövlətçilik (cümhuriyyətçilik)-républicanisme. Si le premier programme du Parti envisageait d’avoir une autonomie culturelle, il prévoyait l’établissement d’un statut fédéral au sein de la Russie. Dans le deuxième programme, le parti Moussavat posa la question de l’indépendance de l’Azerbaïdjan selon les principes démocratiques.
Pour nos recherches, le livre de Ziya Bounyadov Qırmızı Terror (Terreur Rouge) est très utile. Essentiellement, concernant la question de la répression, l’une des tragédies du peuple azerbaïdjanais qui a commencé en 1936, l’auteur livre beaucoup d’explications sur les racines de ces événements. Il explique que le début de ces drames commence le lendemain, le 29 avril 1920, par l’occupation de l’Armée Rouge. Cette première étape concerne les élites et l’intelligentsia du pays qui pouvait arriver au pouvoir. Malgré le fait que les représentants du parti Moussavat (Egalité) et Ittihad (Union) ont signé l’accord de collaboration avec les Soviets, cet acte «restera sur le papier» et ne sera jamais appliqué.
La deuxième étape de la purge, la plus frappante, était différente de celle de la première. Tout d’abord le nouvel Etat avait promis de donner la terre aux paysans après avoir proposée de créer le kolkhoze (économie collective). La révolte des paysans a provoqué des vagues d’incarcération. La troisième étape était la plus courte et la plus «effective». Pendant les années 1937-1939 des milliers de personnes, surtout les élites ont été tuées par le terrorisme d’Etat. On peut citer les noms d’Hussein Djavid, Mikhaïl Mouchviq, Y.Vezirov (Tchemenzemenli), Rouhoulla Akhundov etc.
L’auteur a utilisé les matériels d’archives et a donné beaucoup d’informations sur les relations des migrants azerbaïdjanais avec le pays.
Le livre d’Hassan Quliyev La littérature azerbaïdjanaise dans l’immigration, publié en russe en 2004 dans la série La Littérature du Caucase, est aussi important pour notre recherche. L’auteur divise la littérature de l’émigration en deux volumes et présente l’ensemble des analyses des œuvres publiées dans l’émigration et il essaye également de retracer les itinéraires les plus importants de la migration. Dans ce livre on trouve beaucoup d’informations sur les œuvres et sur la vie des écrivains migrants. Dans la première étape de la littérature de l’émigration il mentionne les auteurs comme Ali bey Houseynzade, Memmed Emin Réssoulzade, Ahmed bey Agaoglu, Mohammed Hadi et cite leurs travaux publiés dans les journaux Füyüzat (1906-1907), et Şəlalə (Cascade 1913-1914). L’auteur explique les difficultés de ces auteurs?, leurs obligations et leurs travaux à l’étranger, en Turquie, en Iran, en France, en Pologne etc.
La deuxième étape de la littérature dans l’immigration, selon l’auteur, commence après la chute de la RDA. Après l’arrivée au pouvoir des soviets, la plupart des intellectuels, n’arrivant pas à s’adapter à la dictature, ont été obligés de quitter le pays. Dans cette partie on fait la connaissance avec la vie d’auteurs comme Banine, Almas Ildrim, Djeyhoun bey Hadjibeyli, Y.Vezirov (Tchemenzemenli)
Dans la dernière partie du livre l’auteur essaye de répondre à toutes les questions concernant le roman Ali et Nino, qui garde toujours son actualité, et qui touche au problème du droit d’auteur. Plus de la moitié de ce livre était consacrée à ce sujet.
Le livre de Nassiman Yagublu, Les Légionnaires Azerbaïdjanais publié en 2005 nous donne beaucoup d’informations sur nos compatriotes qui ont combattu dans les rangs de la Wehrmacht. C’est le premier travail qui rassemble les matériels dès le début de l’époque soviétique jusqu’à la deuxième Guerre Mondiale. L’auteur développe la période de la guerre et explique bien l’organisation des légions étrangères, ses causes et ses motivations. Ensuite on voit la création de légions azerbaïdjanaises et leur organisation.
Dans le livre d’Aliheydar Atakichiyev, La littérature azerbaïdjanaise dans l’immigration, l'auteur présente la richesse du patrimoine littéraire et culturel, crée par les migrants azerbaïdjanais au cours du siècle dernier. Au début du XXème siècle, l’émigration azerbaïdjanaise devient massive et prend un caractère politique. De ce fait, la littérature dans l'émigration est un grand héritage créatif des écrivains dispersés dans le monde entier pour des raisons politiques. En principe, nous savons bien qu'une partie importante de la littérature classique d'Azerbaïdjan a été créé en dehors de l'Azerbaïdjan. Selon le chercheur, la littérature azerbaïdjanaise dans l’immigration du XXème siècle, a connu quatre phases principales :
1) Les années 1909-1920 jusqu’à la chute de la RDA.
2) Les années 1920-1941 avec l’arrivée des Bolcheviks jusqu’à la deuxième Guerre Mondiale.
3) De la deuxième Guerre Mondiale au rétablissement de l'indépendance de l'Azerbaïdjan (1941-1991).
4) La période de l’indépendance de l’Azerbaïdjan.
L’auteur a utilisé les bases essentielles de la littérature de l’émigration de l’Azerbaïdjan du nord, mais pour analyser il a prit les principes d'intégrité de la littérature iranienne complète.
Le livre de Chalala Hassanova Mühacirət irsimizdən səhifələr (Les pages héritées de notre émigration) traite de la publication du journal Azərbaycan Yurd Bilgisi publié en Turquie et aussi de la vie de son rédacteur en chef Ahmed Djeferoglu. Cette publication reste pour les chercheurs l’un des premiers travaux sur le journal Azərbaycan Yurd Bilgisi et aussi sur la vie de son auteur. Dans le livre nous faisons la connaissance avec la vie d’un émigré, Ahmed Djeferoglu et ses activités à l’étranger. C’est vrai que le livre est plus attirant pour les philologues mais en même temps il est intéressant pour les chercheurs en histoire, en géographie ou en ethnographie. L’auteur découvre beaucoup d’informations concernant la culture, le folklore et la littérature des Azerbaïdjanais. Il essaye d’analyser les problèmes, les idées et la différence avec les autres publications publiées à l’étranger et il explique le rôle important de ce journal dans la formation de la littérature à l’étranger.
Le livre de Mamedaga Sardarov intitulé Azərbaycanda migrasiya prosesleri (Les processus migratoires en Azerbaïdjan) présente la méthodologie, l’importance des modèles et des causes de la migration azerbaïdjanaise. Dans cet ouvrage, on étudie le rôle des organisations internationales, l’histoire de la population azerbaïdjanaise, la politique et la sociologie politique de la migration du XXème siècle. L’auteur aborde les questions de la migration dans les pays postsoviétiques. Dans ses recherches il présente la migration de la population en deux points: 1) approche directe – l’étude analyse précisément le fait qui est inconnu, 2) approche indirecte (traditionnelle) – l’analyse des motifs subjectifs et socio-économiques des processus migratoires. En présentant le schéma du mécanisme sociologique de la migration, Sardarov, montre les étapes difficiles de ce processus et explique l’organisation effective de la migration. Il essaye de présenter les causes de la migration des années 80-90 en Azerbaïdjan et la régularisation de ce phénomène par différentes organisations internationales.
Vazeh ASGAROV
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