L'émergence de l'intelligentsia et l’émigration azerbaïdjanaise jusqu’au XXème siècle
La politique
de la Russie coloniale du XIXème siècle dans le
Caucase du Sud menait à une transformation du statut social et à
une nouvelle distinction entre les différents groupes sociaux qui au sein de ces groupes provoquait une crise d’identité.
Cela a conduit à des
différentes réactions – la contestation, la fuite et la résistance ont ainsi cherché
à préserver la
propriété et le statut social et à devenir des citoyens égaux de l'État sur les différents éléments
de la culture étrangère.
Après la conquête
de l’Azerbaïdjan du Nord, le gouvernement russe
sentait la nécessité d'introduire
un nouveau système d'enseignement public, ce qui aurait assuré la
formation de fonctionnaires pour soutenir la politique et la situation économique dans la province de Tsar. L'enseignement primaire était concentré dans les məktəb[1] et les mollaxana (école coranique chez les chiites) entièrement à la charge du «clergé » musulman. L'existence des écoles nationales en Azerbaïdjan conduira la Russie tsariste
à la création d’un réseau de
l'enseignement général dans le pays. La première école ouvre ses portes
le 30 décembre 1830.
La situation politique contraignait à chercher un système plus souple d'intégration dans la ville. Le service royal, civil et militaire avait besoin de la population
locale, sa religion ou son niveau social important peu. Les principaux critères
étaient la fidélité à la Russie et l'aptitude professionnelle. Le gouverneur du Caucase, le Prince Vorontsov, nommé par le
Tsar, précisait de mettre en œuvre
une
politique de cooptation des élites locales, plutôt que d'intégration et d’assimilation. Il joua un grand rôle pour l’organisation du Séminaria (Séminaire)[2].
Le premier Séminaria Transcaucasien de maître, étant un grand centre de la
préparation des spécialistes pédagogiques, a
été créé à la fin
du XIXème siècle dans le
sud du Caucase à Tbilissi (Géorgie). Existant entre 1866-1917 ces séminaires préparaient les
professeurs des classes primaires. En 1882, il était créé sous l’initiative de M. F. Akhoundov,
la branche azerbaïdjanaise du séminaire (Svyataçovski, 2000, Constant, 2002).
Les enfants des anciens beys
et agha, ayant perdu leurs pouvoirs,
pouvaient prouver
leur « origine de
noblesse » après la loi de décembre
1846. La première partie
de l’intelligentsia
présentait les personnes issues d’une aristocratie
azerbaïdjanaise, essentiellement des familles
des
anciens khans, qui faisaient leurs carrières dans l’armée russe (comme le fils de Mustafa Khan de Shirvan, le neveu d’Ibrahim Khan du Karabakh, etc.). Il faut noter que parmi cette aristocratie
beaucoup de personnes n’adoptaient pas le modèle occidental et
finissait par s’exiler en Iran ou en
Turquie (Aliyev,
1996).
Dans la première moitié du XIXème
siècle, l’Azerbaïdjan développait et relançait
remarquablement les branches traditionnelles de la connaissance
scientifique, l'histoire, la
philologie, la géographie, l'astronomie, la philosophie. Abbasgoulou agha Bakikhanli (1794-1846) est le premier qui comprend l'importance de la création de l'histoire nationale et à
cette époque on assiste à la création de la chronologie historique des khanats azerbaïdjanais.
Ces histoires étaient écrites essentiellement par
les descendants
des anciens khans.
Le contact des deux civilisations — l'Europe, représentée par la Russie, et la tradition musulmane — a donné naissance à l'intelligentsia locale. Les intellectuels azerbaïdjanais sont apparus
au milieu
du XIXème siècle suivaient la Russie et dépendaient de lui.
Tadeusz
Swietochowski (2000) souligne
: le terme l’intelligentsia dans le contexte de l'histoire de l'Azerbaïdjan a une signification différente de
son importance dans les langues européennes.
Les personnes éduquées dans les écoles
islamiques traditionnelles ne considéraient pas les intellectuels russifiés
comme des interlocuteurs
valables. Après les
années 30 du XIXème siècle, l’intelligentsia était formée de personnes ayant suivi l’éducation secondaire dans les écoles
militaires russes ou dans les écoles
russo-tatares. Le rapprochement des musulmans avec les Russes
a été senti aussi dans l’armée ou dans la fonction publique. Plus tard, parmi
les musulmans Caucasiens il y
aura une aspiration à l'instruction élémentaire
et à la connaissance,
qui amènera l'amélioration de leur moralité.
À la moitié du XIXème siècle, parmi les intellectuels sont apparu les Tatares, (comme les Russes désignaient tous les musulmans
turcophones à l’époque) étudiés
dans les universités russes et dans le séminaire
du Caucase du Sud à Gori et à Tbilissi. Le Séminaire
Transcaucasien à Gori jouait un grand rôle dans la préparation des enseignants pour les écoles primaires en Azerbaïdjan, surtout après l’ouverture de la branche Azerbaïdjanaise en 1879. Si
dans les années 1849 à 1851 à Saint-Pétersbourg étudiaient 180 élèves du Caucase, dans les années 1870, le chiffre atteint un pic pour les étudiants azerbaïdjanais. Ils continuent leurs
formations dans les autres régions de l'Empire. Malgré le petit nombre de représentants
des élites modernes d'Azerbaïdjan pendant deux siècles, ceux-ci sont devenus les porte-parole de la culture et de la politique nationale (annexe p. 372). L'événement
le plus important dans
l’éducation nationale
de l'Azerbaïdjan dans la seconde
moitié du XIXème siècle reste
la presse
périodique. En 1875, grâce à l’effort de Həsən bəy Məlikof Zərdabi, le premier journal
turcophone de Russie,
Əkinçi (Laboureur),
a paru à Bakou et a provoqué
une grande résonance
dans toute la région
du Caucase. Au total, 56 numéros
ont été publiés pour
la période de 1875 à 1877. Le journal menait une lutte infatigable pour la purification de la
langue maternelle et aussi un grand travail pour
la création des articles sur la vie
politique et sociale
dans la langue azerbaïdjanaise.
Le rôle considérable dans l’histoire de l’éducation de la population azerbaïdjanaise a joué
les écoles russo-tatares organisées
par
les professeurs Habib bey Mahmoudbeyov et Sultan Medjhid
Ganiyev à Bakou. Dans cette école, à
la différence d'autres écoles russes, la
langue azerbaïdjanaise, conformément aux Règles de
1881, était admise pendant la première année de l'enseignement et était considérée comme obligatoire[3].
Dans le deuxième moitié XIXème siècle, on assiste à l’apparition de la dramaturgie
par
les figures les plus considérables de la dramaturgie azerbaïdjanaise
de la fin du XIX siècle, Necef bey Vezirov, Abdulrehman bey Hagverdiyev et Nariman Narimanov. Les deux premiers
écrivaient des
comédies
satiriques, mais Vezirov
rédigeait
aussi les premières tragédies azerbaïdjanaises. Le héros
des
tragédies de Vezirov et de Haqverdiyev était
les intellectuels, qui au cours de la lutte pour le changement de vie tombaient souvent dans le
piège de leur entourage hostile.
Habib bey Mahmoudbeyov et Abdulrehman bey Haqverdiyev
Le plus grand représentant de la culture azerbaïdjanaise du XIXème siècle
était
le fondateur de la littérature azerbaïdjanaise,
le dramaturge et
philosophe Mirza Fatali
Akhoundov (1812-1878). Né
dans la région de Sheki, Fatali fait ses études dans une école coranique (madresseh) où il apprend l’arabe et le persan. Sous l’influence de son professeur Mirza
Chafi Vazeh, son intérêt change et il se tourne vers les études modernes[4].
Si après
la deuxième moitié du XIXème
siècle les étudiants,
pour continuer leurs
études, partaient à Tbilissi, à Gori, à
Saint-Pétersbourg ou dans les autres régions de l’Empire,
vers la fin du XIXème siècle, l’intérêt change et ils choisissent maintenant les pays européens et
surtout la France. Avec
cette
étape apparut une nouvelle génération.
Rachid Bey
Akhoundov, fils de M. F. Akhoundov, Ahmed Ağaoğlu, Mohsum Khanlarov, Mohammed
Aga Schahtakhtinsky et
encore d’autres
font la connaissance de
la vie française, de
la situation politique et
sociale de la France [5].
Les idées démocratiques
se propagent de plus
en plus dans la littérature.
Ce mouvement crée un terrain propice à l'apparition de la littérature, culture et politique du XXème siècle de
personnages connus. Abbas Qoulou agha Bakikhanli (1794- 1846), Mirza Fatali
Axoundzade (1812-1878), Mirza Chafi Vazeh. (1794-
1852), Natavan (1837-1897,
appelée aussi xan qızı Natavan, fille
du dernier khan de Karabakh), Mollah Penah Vaqif,
Mirzə Kazımbəy (1802-1870), Ahmed bey
Aghaoglu (1869-1939), Ali bey Housseynzade
(1864-1941), Alimardan bey Toptchibachi (1859-1934), Mohammed Aga Schahtakhtinsky. Nadjaf bey
Vesirov, Abdourahim bey Akhverdiev, Mirza Alekper
Sabir, Suleyman Sani
Akhoundov, Uzeïr Hadjibeyov, Nariman Narimanov, Hachim bey Vesirov, Djalil
Mamedkoulizadé, Abbas Sahat, Mohammad Hadi, Abdullah Chaïg, Ali bey Husseynzade, Ahmad Agaoglou, Ahmad Djavad, Hussein Djavid et autres ont joué un rôle inestimable dans la formation de la
littérature de la
nouvelle période.
L'Azerbaïdjan qui entrait dans le XXème siècle a fait de grands progrès dans beaucoup de sphères, y compris dans le domaine de la culture, de l'éducation
et de la presse nationale. L'essentiel
était qu’une bourgeoisie moderne se formait en Azerbaïdjan et commençait à jouer un rôle important dans la vie sociale du pays.
L'activité
des intellectuels
dans plusieurs domaines servait à la renaissance, au réveil national, à la formation de l'esprit national. Ainsi, le cours des processus sociopolitiques commencés dès le XIXème siècle aboutit à l'évolution radicale dans la société azerbaïdjanaise.
Nos hommes éminents
publics et politiques élevés dans une nouvelle ambiance ont pu relever les
défis du siècle. Un terrain favorable
se préparait
pour la création de
la République Démocratique d'Azerbaïdjan.
On peut appeler
cette période la
première étape de l'histoire de l'Azerbaïdjan du XXème siècle.
[1] En 1842, dans les villes Bakou, Guba, Karabakh, Shéki, Chirvan et Talysh existaient 502 məktəb au sein des mosquées, 534 enseignants et 5242
étudiants.
[2] Les séminaires de maître étaient les écoles
pédagogiques
pour la préparation des professeurs de l'école primaire. Les écoles sont apparues en Russie à
1779
à l’Université de Moscou et à
1786 à Saint-Pétersbourg.
[4] Mirza Chafi Vazeh — (1794-1852), l'héritage littéraire de l’auteur nous est arrivé par des traductions,
les originaux de ses vers sont
perdus.
En 1846, il fait la connaissance avec l'écrivain allemand, Friedrich Bodenstedt,
qui a visité Tbilissi et qui devient l’élève de Vazeh. En partant il emmène avec lui-même une partie
considérable des poèmes de Mirza Chafi en
l'Allemagne et là, il les a
publiés dans une traduction en
langue allemande.
[5] Mohsum Khanlarov, premier doctorant azerbaïdjanais « Herr doctor » de l’Université de Strasbourg (Université Kaiser-Wilhelm).
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