Les
premiers étudiants azerbaïdjanais en Europe durant la période de la République Démocratique d’Azerbaïdjan
Au milieu du XIXème siècle, pour faire suite à la conquête de l’Azerbaïdjan du Nord, le
gouvernement russe
sentait la nécessité
d'introduire un nouveau système
d'enseignement public, ce qui aurait assuré
la formation de fonctionnaires pour soutenir
la politique et la
situation économique dans la province. Le Seminaria (Séminaire) Transcaucasien de Géorgie était un grand centre de
la formation des pédagogues. À la fin
du XIXème siècle, les jeunes
(uniquement des garçons)
azerbaïdjanais des familles
les plus riches continuaient leurs études dans les établissements supérieurs de Tbilissi,
Gori, Saint-Pétersbourg ainsi
que d’autres régions de
Russie. Parallèlement, certains choisissaient les universités européennes pour poursuivre
leurs études comme
Rachid Bey Akhoundov, Ahmed
Ağaoğlu, Mohsum Khanlarov, Mohammed Aga Schahtakhtinsky.
Au XXème siècle, il y a eu quelques
envois de jeunes étudiants azerbaïdjanais à l’étranger : pendant l’époque de la RDA, dans les années 1970
(surtout dans les établissements de l’Union soviétique) et après 1991. Cette pratique a
débuté pendant l’époque
de la RDA et le destin de la plupart
de ces étudiants de cette
époque reste toujours inconnu (annexe 378-392).
Le groupe des étudiants azerbaïdjanais arrivés à
Paris
Source : Ismayilov Mahmud, Maksvell Nigar (2008) Azərbaycan tarixi VII cilddə, 1900-1920-ci illər
(L’histoire de l’Azerbaïdjan du 1900 au 1920, en 7
volumes), Bakı, Elm, p.
576.
Avec
la déclaration
de la République Démocratique
d’Azerbaïdjan, l’éducation
populaire a été favorisée. Dès le premier jour a été créé le Ministère de l'Education Publique
(Xalq Maarifi Nazirliyi). Ce ministère était aussi compétent de manière culturelle. L’une de
ses tâches les plus importantes était l’organisation
de l'enseignement supérieur
et la préparation des cadres. Il fut décidé à créer trois écoles supérieures
: l’Université d’État de Bakou, le conservatoire d'État et l’Institut d’Agriculture. Le 1er septembre 1919 est inaugurée l’Université d’État de Bakou. Le même jour, avec le décret du parlement de la RDA, le
ministère de l'Education Publique prit en charge l’envoi de 100 étudiants azerbaïdjanais dans les écoles supérieures les plus prestigieuses du monde
pour
l’année universitaire 1919-1920
(annaxe, p. 378 à 392). Le
Parlement de la République décide d’accorder 7 millions de manats du
Trésor public à la disposition du ministère. Il est attribué aux futurs étudiants européens une bourse
de 400 francs mensuels
et de 1000 francs pour le voyage. Pour les étudiants envoyés aux établissements supérieurs de la Russie, le montant de la bourse était ainsi 3000 roubles et
1000 manats. Pour
sélectionner les étudiants, au
sein du même ministère fut créé un
jury
composé de M. E. Rasoulzade, E. Pepinov,
G. Garabeyli, M. Hadjinski,
A. Efendizade.
Ce jury décida l’envoi de 45 étudiants en France, de 23 étudiants en Italie, de 10 étudiants en Angleterre, de 9 étudiants en Turquie et de
13 étudiants
en Russie. Mais le ministère déclara l’envoi des étudiants selon une répartition différente : 49 en Allemagne, 27 en France, 4 en Italie, 1 en Angleterre
et
6 en Turquie. À cause
de la guerre civile en Russie, les 13 étudiants
sélectionnés ne seront pas envoyés (Mahmudov,
2005 : 15).
Le 14 janvier
1920, les étudiants,
accompagnés
par
leurs parents, les membres du Parlement,
des hommes d’affaires, des
personnalités religieuses ainsi
que par des représentants
publics ont été envoyé tous solennellement à Paris. Leur voyage dura presque 1
mois. Passant par Tbilissi, Istanbul et Rome, les 78 futurs étudiants arrivèrent le 11 février à Paris et
s’installèrent dans les hôtels de Belmont et
Iéna. Avant de partir
dans les pays différents,
les étudiants prennent
une photo souvenir. Plus tard, cette photo historique sera
confiée à R. Aboutalibov
par Mamed
bey Meherremov, le membre
le plus jeune de la délégation envoyée à la conférence de paix de Versailles.
Source : Ismayilov Mahmud, Maksvell Nigar (2008) Azərbaycan tarixi VII cilddə, 1900-1920-ci illər (L’histoire de l’Azerbaïdjan du 1900 au 1920, en
7 volumes), Bakı, Elm, p. 13.
Durant six mois, ils recevront leurs bourses d’études. Par
contre, avec
l’occupation de l’Azerbaïdjan
par les Bolchéviks, la situation du pays changea
radicalement. Les étudiants ne recevant
plus régulièrement la
bourse s’adressèrent à Nariman Narimanov, président
du Parti Communiste d'Azerbaïdjan.
Sous
l’initiative personnelle de N. Narimanov, le 9 août 1920, fut organisée une réunion.
Le comité décida de rétablir
la bourse et d’aider les étudiants à l’étranger pour qu’ils poursuivent
leurs études. Le
18 juin 1921, N. Narimanov chargea Bahram Akhoundov
qui s’était engagé à s’occuper
depuis 1919 des affaires des étudiants à l’étranger d’enquêter sur leurs situations en
Europe. B. Akhoundov, entre
octobre
1921 et janvier 1922, sera en mission dans les capitales des
pays
européens pour apprécier la situation
financière des étudiants. À son
retour, il précise
dans son rapport les activités de 28 étudiants en
France, de 49 étudiants en Allemagne et de 3 étudiants en Italie. Le 22 mars 1922, N. Narimanov ordonna de créer toutes les possibilités pour que les étudiants poursuivent leurs études. Par contre, à la fin de
l’année 1922, avec le
départ de N. Narimanov à Moscou au comité régional du Parti Communiste de Transcaucasie,
la situation des étudiants changea. À cette
période, comme le
souligne R. Aboutalibov, les étudiants
sont divisés en deux parties fidèles et infidèles.
En plus, c’était une période
où l’Azerbaïdjan
avait
besoin
des personnes qualifiées.
Dans une lettre de B. Akhoundov
envoyée à D. Hadjibeyli, nous lisons :… l’absence de Nariman a tout changé par rapport aux étudiants, qu'est-ce qui va se passer, on ne sait rien; je ne les oublie pas et je n’oublierais jamais, au retour à Bakou
je m’occuperai d’eux,
nous avons besoin d’eux,
seulement qu’ils
étudient (Aboutalibov, 2006 : 71-72).
Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons toujours pas d’information sur ces 73 étudiants envoyés
à l’étranger en 1920.
Au contraire, nous savons que la plupart des étudiants
pour survivre ont été obligés de travailler
dans les conditions difficiles.
Certains se sont trouvés en
prison comme Chikhzamanov et Ismail Aliyev à cause de leurs dettes,
d’autres ont fini par se suicider.
Une petite partie d’entre eux a terminé ses études difficilement et est retournée en Azerbaïdjan. Bientôt, on
entendra leurs
noms parmi les victimes
de la Terreur rouge.
Dans des lettres des étudiants
étrangers envoyées
à Djeyhoun bey Hadjibeyli, on témoigne l’inquiétude de B. Akhoundov.
Nous en présentons
quelques-unes :
La lettre d’Ajdar bey Akhoundov,
Cher Djeyhoun bey,
Je n’arrive pas à vous exprimer ma sincère gratitude
pour votre attention fraternelle
envers
moi à un moment si difficile…
Je suis installé chez la famille d’accueil il
y a déjà 2
mois. Mais, jusqu’au 1er juin j’ai
travaillé
à Paris, là le travail était facile et je l’ai supporté plus au moins, mais pour l’été ils
sont arrivés ici (Dinard
ville touristique de la France) à leur résidence privée et mon travail a
été
multiplié pour 10, je suis obligé
de me réveiller à 6 heures du matin et d’aller en ville pour chercher du lait.
Au retour à la maison, à 8 h
30, c'est la suite du travail qui commence, le ménage de l’appartement de 14 pièces,
à peine fini, je le jure, les pieds
tremblent de fatigue et de faiblesse, et en outre je dois aider à la cuisine, mais cela est plus que le cauchemar… Quelle saleté ! Dans
cette circonstance
il faut rester jusqu’aux 10 h
30 du soir.
Excusez-moi,
pour l’amour de Dieu, parce que je pleure maintenant et n’arrive pas continuer
à écrire…
Pour l'amour de Dieu,
aidez-moi, j’ai peur qu’à cause de frayeurs je devienne fou…
Restant votre
fidèle Ajdar
bey
La lettre d’Abdoul-Houseyn Dadashov
de l’Allemagne,
Cher Djeyhoun bey,
…le gouvernement exclut de la liste quelques étudiants
; je suis parmi eux. La raison était les
amis d’ici, dont l’opinion
ne correspondait pas à mon point de vue…
Cordialement
votre Abdoul-Houseyn.
La lettre de l’un des étudiants de
l’Allemagne, Teymur Aslanov, explique bien comment le destin
des étudiants est résolu
à Bakou.
Certainement, vous êtes au courant
des affaires étudiantes actuelles. J’ajoute pour information que je suis exclu de la liste des boursiers. Dans la réunion de la commission
spéciale à Bakou, il a été signalé par une
personne que je me trouve très proche du cercle
des activistes et que je transfère des informations
immédiatement et ponctuellement sur tous
à Constantinople.
Cordialement
votre Teymur (Aboutalibov,
2006 : 72-73)[1].
Les étudiants azerbaïdjanais en France,
20 mai 1920
[1] Dans l’annexe (310-324) nous présentons l’information sur ses
100 étudiants. Notons que
pendant
la recherche nous avons trouvé des informations différentes concernant le lieu d’étude, le retour ainsi que sur le destin final de ses étudiants.
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