La Révolution d'Octobre et l'émergence
de la domination soviétique au Caucase (1917-1922) et les relations turco-soviétique
Dr. Vazeh ASGAROV
Doctor of the University of Strasbourg
Vice-Rector of the Azerbaijan State Oil and Industry University (ASOIU)
Email: vazeh.askarov@asoiu.edu.az
Mots clés : émigration, époque soviétique, l’Azerbaïdjan
soviétique, Armée rouge, relations
turco-soviétiques
Abstraite: La Révolution d'Octobre 1917 a
donné naissance à un gouvernement provisoire en Russie, ce qui a entraîné
d'importantes pertes territoriales pour la Russie en raison du traité de
Brest-Litovsk. La perte de Bakou en 1918 a eu de graves répercussions sur
l'économie russe. Début 1920, les bolcheviks, en pleine expansion, ont cherché
à rétablir leur influence dans le Caucase et ont noué des relations
diplomatiques avec l'Azerbaïdjan. Un ultimatum du Parti communiste
azerbaïdjanais, lancé le 27 avril 1920, a abouti à la proclamation d'une
République soviétique après l'entrée des forces bolcheviques à Bakou le 30
avril. Cette occupation a marqué la fin du développement démocratique de
l'Azerbaïdjan pour au moins 70 ans. Malgré quelques dissensions parmi les
dirigeants locaux, le parlement azerbaïdjanais a cédé le pouvoir aux
bolcheviks, reconnaissant l'importance stratégique de l'Azerbaïdjan, notamment
de ses ressources pétrolières, pour les efforts industriels soviétiques. Cette
occupation a jeté les bases d'un renforcement du contrôle soviétique sur
le Caucase.
Au début du XXe
siècle, les relations entre la Turquie kémaliste et la Russie bolchévique se
sont intensifiées après la Révolution d'Octobre 1917, marquée par des ambitions
tsaristes abandonnées et un désir commun d’unifier les peuples musulmans. En
1921, le traité russo-turc de Moscou scella une alliance pragmatique, où les
bolcheviks soutenaient la résistance turque contre les puissances occidentales.
Cette alliance permit aux bolcheviks d'étendre leur influence au Caucase,
notamment en Azerbaïdjan, où ils instaurèrent un régime soviétique après
l’occupation de Bakou en 1920. Cependant, la collaboration ne dura pas. Les
intérêts divergents et la montée des tensions aboutirent à une dégradation des
relations. En 1922, Mustafa Kemal chercha à distancer la Turquie du communisme
pour renforcer sa position face aux Alliés. Cette alliance initiale entre la
Turquie et les Soviets s’est transformée en une réelle rivalité. Les événements
de cette période ont profondément influencé la géopolitique de la région et ont
consacré la domination soviétique sur l'Azerbaïdjan.
La situation politique de
l’Azerbaïdjan à la veille de l’occupation par la XIe Armée rouge
Avec
l’éclatement de la révolution d’Octobre en 1917 la Russie devient une
république avec un gouvernement provisoire présidé par Alexandre Kerenski[1]. Le
traité de Brest-Litovsk signé avec les Allemands a comme conséquence les
concessions territoriales de la Pologne, d’une partie de l’Ukraine, des Pays
baltes, etc., soit environ 800 000 km². Par contre, la perte de la région de
Bakou en 1918 a eu de dures conséquences pour la Russie, surtout ressenties par
le blocus économique. Avec le changement de la situation en Russie en faveur
des bolchéviks au début de 1920, la question de l’influence russe dans les
régions du Caucase et d’Asie Centrale est réactualisée. À cette époque,
commence la correspondance diplomatique entre Moscou et Bakou avec la
proposition de l’union militaire contre Anton Denikine[2].
Le gouvernement de la Russie Soviétique, qui avait pris l’initiative de
commencer ce dialogue, ne visait pas d’établir des relations diplomatiques et
économiques avec l’Azerbaïdjan, plutôt à gagner du temps pour la préparation
des opérations militaires et en cas de réussite des négociations, pour
impliquer la République Démocratique d’Azerbaïdjan dans le conflit avec
Denikine afin de faciliter une reprise saisie de la République. Par contre, au
début de l’année 1920, le danger de Denikine était remplacé par la menace
bolchévique. Recevant trois télégrammes dans un bref temps, la réponse du
ministre des Affaires étrangères de la République d’Azerbaïdjan est que la
menace de Denikine est une affaire intérieure de la Russie et que l’Azerbaïdjan
en tant qu’État souverain ne se permet pas de s’immiscer dans les affaires d’un
autre État souverain. Le ministre F. Khoyski reconnait la nécessité
d’établissement de bonnes relations de voisinage entre les peuples russe et azerbaïdjanais
et souligne que la condition pour le début de ces négociations peut servir
comme une reconnaissance de la souveraineté de la République d’Azerbaïdjan (Аliyev, 1995 : 202).
Les leaders
d’Entente en avril 1920, une fois de plus, après avoir examiné les plans
d’aidemilitaire aux républiques de Transcaucasie, sont venus à la conclusion
qu’ils n’ont pas de la force pour les aider. Au début
d’avril 1920, un détachement de la XIe Armée rouge est apparu sur la frontière
de la République Démocratique d’Azerbaïdjan et a intensivement commencé à se
préparer à l’attaque au pays. Les bolchéviks d’Azerbaïdjan faisaient preuve de
courage et de volonté pour pousser la masse travailleuse à résoudre les tâches
urgentes de la révolution. Ils organisaient des conférences et des rapports
dans les usines, dans les exploitations pétrolifères, ils préparaient les ouvriers
à la lutte politique, consolidaient l’unité internationale. N. Narimanov trouvait
le temps d’aller visiter les ouvriers. Les conférences au sujet de la
révolution russe intitulées : Les partis politiques et leur programme, Notre
point de vue envers la révolution russe, Révolution russe et son
influence sur l’Iran lui réservait un accueil chaleureux (Əhmədov, 1984).
Le 27 avril, le Comité Central du parti Communiste
d’Azerbaïdjan forme un comité temporaire révolutionnaire présidé par N.
Narimanov. Il envoie un ultimatum au gouvernement de la république qui ne se
trouvait pas du tout prête à un tel développement des évènements.Les
détachements armés ouvriers ont vite pris le contrôle des gisements pétroliers,
des administrations, de la poste, du télégraphe, de la gare et la station de
radio.
Dans la nuit de 28 avril, le parlement a accepté
l’ultimatum et l’Azerbaïdjan est aussitôt proclamé République soviétique. Le 30
avril, le détachement de la XIe Armée rouge est entré à Bakou. Un groupe
d’officiers turcs dirigés par Khalil Pacha a contribué activement à encourager
la population locale de ne pas résister à l’Armée rouge. Ainsi, à la suite de l’intervention
de la Russie a été renversé le Gouvernement national d’Azerbaïdjan ce qui a
interrompu au moins pour 70 ans le développement de la démocratie en
Azerbaïdjan. Le bonheur éternel de la République d’Azerbaïdjan est
lié à la Russie… Sans la Russie soviétique il n’y a pas d’Azerbaïdjan
soviétique lance N. Narimanov en un mot d’ordre dont les paroles, exprimaient
les espoirs de tout le peuple azerbaïdjanais dès les premiers jours de
l’installation du pouvoir soviétique en Azerbaïdjan (Əhmədov, 1984 : 25).
Le ministre de la défense d’Azerbaïdjan S. Mehmandarov
ayant toute la responsabilité de défendre le pays et sachant que toute l’armée
était rassemblée au Karabakh pour calmer le conflit multiethnique déclarait
qu’il était inutile de résister et que cette opposition n’apporterait aucun
résultat positif. Malgré le refus de certains moussavatistes comme M. E. Rasoulzade,
Ch. Rustembeyli, le Parlement décide de céder le pouvoir aux bolchéviks.
Après l’occupation de l’Azerbaïdjan, les Russes se
mobilisaient sur les frontières de la Pologne. Le plan d’occupation de tout le
Caucase se réalisera un peu plus tard, avec l’Arménie en décembre 1920 et la
Géorgie en février 1921 (Mahmudov, 2005). L’occupation de l’Azerbaïdjan,
surtout de la ville de Bakou, était si importante pour les bolchéviques que
Lénine exprimait sa certitude le 29 avril en disant : nous savons que notre
industrie est arrêtée faute de fuel, nous venons d’apprendre que le
prolétariat a pris le pouvoir à Bakou. Cela signifie que nous disposons
maintenant d’une base économique telle qu’elle peut permettre le fonctionnement
de toute notre industrie (Afanasyan, 1981 : 106).
La direction bolchévique avait toujours considéré cette
région comme une partie intégrante de la Russie, qui rapprochait dans cette
affaire avec son adversaire principal – les dirigeants du « mouvement blanc ». Toutefois, contrairement à Denikine, les
bolchéviks ont été en mesure de démontrer un certain pragmatisme politique qui
leur a permis de remporter une victoire stratégique convaincante – en 1921,
l’ensemble de la Transcaucasie était étroitement contrôlé par Moscou et entra
bientôt dans la partie d’union d’un État.
À partir du mois d’avril 1920, commence une nouvelle
étape pour l’Azerbaïdjan qui préserva son « indépendance » après l’instauration
du pouvoir soviétique. Le 30 avril fut signé un traité militaro économique
entre la Russie et l’Azerbaïdjan. Les représentations des pays étrangers
fonctionnaient en Azerbaïdjan, y compris le consulat russe. Comme preuve de la politique
réussie de l’Azerbaïdjan à cette période, on peut considérer l’activité dans le
cadre de la défense de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et aussi les
traités de Moscou et de Kars ou la conférence de Gênes. En 1920, le premier
Congrès des peuples d’Orient eut lieu à Bakou. Après avoir compris que les pays
d’Orient n’aspiraient pas aux révolutions, les bolchéviks, compte tenu de leurs
intérêts politiques, ont renoncé à maintenir l’indépendance de l’Azerbaïdjan.
En décembre 1922, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et l’Arménie ont formé une union
temporaire. La création de la République Socialiste Fédérative Soviétique de la
Transcaucasie (RSFSR 1922-1936) est devenue la première démarche sur la voie de
la perte de « l’indépendance » (Гасанли, 2008). La création de l’URSS le 30 décembre 1922 mit fin à cette liberté
de l’Azerbaïdjan. Malgré le maintien d’un nombre d’attributs de l’État y
compris du drapeau, des armoiries, de l’hymne et de la Constitution, l’État a
perdu le statut de sujet du droit international dans plusieurs domaines.
Le 12 mai 1920, le Commissariat intérieur a annulé tous les grades des citoyens Azerbaïdjanais. Le troisième acte de ce décret prévoyait de concéder tous les biens des commerçants et des riches au Comité de l’Armée révolutionnaire. Par exemple, la fabrique de coton de Taguiev, le 21 juin 1920, a été proclamée bien de la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan et a été renommée en l’honneur de Lénine. Âgé de 96 ans, Taguiev est privé de tous ses biens et retourne dans sa résidence sur la péninsule d’Apchéron. Il meurt dans la misère. Quelques années plus tard, on trouvera sa fille cadette Sona khanim dans une rue de Bakou avec un morceau de pain sec dans la main en train de mendier (Süleymanov, 1996).
Au XIXe siècle le pétrole a transformé la ville de Bakou
en une grande capitale. Avec le nombre de millionnaires la ville occupait une
position le leader dans la région. « L’or noir » de Bakou a attiré des
spécialistes de tous les coins du monde. Parmi eux, des scientifiques, des chimistes,
des ingénieurs talentueux et les architectes, des constructeurs et inventeurs
ainsi que des millionnaires du pétrole mondial comme les frères Nobel, les
frères Rothschild, les frères Artemovi, etc. Pendant cette époque la ville a
connu aussi quelques riches pétroliers originaires de Bakou dont les plus
célèbres Haci Zeynalabdin Taguiyev, Agha Musa Naguiyev, Murtuza Mukhtarov,
Semsi Essedoullayev, Isa bey Hadjinski, etc. Toutefois, les millionnaires de
Bakou étaient différents de leurs collègues car ils n’avaient pas hérité de
leurs familles et étaient passés de travailleurs à millionnaires. Certains
d’entre eux ont joué un rôle important dans le développement économique, social
et culturel de la prérévolutionnaire de Bakou. La ville a rassemblé un grand
nombre de migrants : les Juifs de Russie, les Allemands, les Arméniens, les
Azerbaïdjanais (à la fois de la Russie et la Perse). Avec le boom pétrolier la
vie culturelle a fleuri. L’ouverture des théâtres et la construction de l’Opéra
ont fait connaitre Bakou comme Paris du Caucase. Début des années 1920,
avec la nationalisation des biens desmillionnaires certains ont réussi à fuir à
l’étranger, certains autres ont continué la résistance jusqu’à la mort.
Au mois de septembre 1920, l’Azerbaïdjan n’a plus de
droit de garder sa propre armée. À cette époque la signature de l’unification
de l’économie, de la finance, de transport et de l’armée de l’Azerbaïdjan avec
la Russie donne tout le pouvoir à Moscou.
Les années 1922 et 1991 embrassent la période de
l’instauration du pouvoir soviétique en Azerbaïdjan et engageant l’existence
pendant 70 ans dans le cadre du pouvoir et de l’État soviétique. Pendant ces
années, un riche potentiel économique et intellectuel fut créé en Azerbaïdjan.
Par contre, l’histoire de l’Azerbaïdjan soviétique a commencé par la répression
et des révoltes. Dans les années 1930 ont commencé les « nettoyages » massifs
en URSS. En 1936, la RSFSR était supprimée et la République Soviétique
Socialiste d’Azerbaïdjan était insérée dans la composition de l’URSS comme une
république indépendante dirigée par Moscou. Les Turcs azerbaïdjanais ont
commencé officiellement à s’appeler les Azerbaïdjanais et leur langue nationale
est devenue azerbaïdjanaise.
Les relations turco-soviétiques au début du XXe siècle.
Après la victoire des bolchéviks sur les armées blanches,
en 1920-1921, la politique libérale des Soviets envers les peuples musulmans de
la Russie ne dura pas longtemps. Le régime soviétique a été établi dans tous
les territoires musulmans de l’ancienne Russie. Il était aussi nécessaire
d’établir une alliance entre les pouvoirs kémaliste et bolchéviste. Commencé de
1919 jusqu’au début de l’année 1921, cette alliance turco-soviétique montrait
devant les Alliés une alliance formidable, chacun était prêt à profiter du
premier signe de faiblesse de son partenaire. Finalement, le 16 mars 1921, un
traité appelé le traité russo-turc de Moscou fut signé (Mandelstam,
1970). Le rapprochement turco-soviétique et l’essai de bolchévisation de
l’Anatolie ont largement influencé les relations turco-azerbaïdjanaises. Six
mois après le premier traité signé, le 13 octobre 1921, un autre traité (Kars)
a été signé. Avec ce dernier traité signé, d’une part entre les républiques
soviétiques de la Transcaucasie (Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie) et d’autre part
avec la Turquie kémaliste, les frontières de ces pays étaient fixées et les
déplacements de la population vers la Turquie étaient limités. La situation des
migrants azerbaïdjanais en Turquie n’ayant plus de relation avec ces pays étant
devenue difficile. Avec cette fermeture de la frontière, beaucoup de personnes
engagées politiquement ne pouvaient plus échapper aux représailles du nouveau
pouvoir.
L’approche turco-soviétique nous amène en avril 1916,
deux ans avant le traité de Brest- itovsk signé le 3 mars 1918, quand les
grandes puissances de l’Entente avec un traité secret se partageaient les
territoires de l’Empire ottoman. Les gains de la Russie tsariste après cet accord
étaient la reconnaissance de droits sur Constantinople (Istanbul), les
Dardanelles et une grande partie orientale de l’Empire. Par contre avec la
révolution de 1917, les bolchéviks changent leur position et mettent fin aux
ambitions tsaristes, encourageant Moustafa Kemal dans l’organisation de la
résistance contre les Franco-Britanniques. Les bolchéviks, « au nom de la paix
», sortis vainqueurs de la Première Guerre presque immédiatement se sont
trouvés les alliés de la Turquie. La situation internationale et l’influence
des pays européens sur la Turquie et sur la Russie soviétique provoquaient leur
alliance malgré toutes leurs relations traditionnelles problématiques. D’après
Paul Dumont, on voit que les premières relations turco-bolchévik ont débuté en
mai 1919. Le colonel soviétique Budennyj se trouvant en Turquie fournira des
armes, des munitions et de l’argent en échange de l’installation d’un régime
selon les principes du bolchévisme en Anatolie (Dumont, 1977/1 : 167). En
sachant qu’il y avait à l’époque environ 25 millions de musulmans en Russie,
les rapports des Soviets avec les Turcs s’expliquaient par leur désir de faire
basculer le monde musulman dans leur camp et par l’espoir de bolchéviser
l’Anatolie. La tâche de propagande communiste parmi le peuple musulman de
Turquie était réalisée par Mustafa Suphi, le chef du parti communiste turc[3].
Le leader communiste turc mobilisait les prisonniers turcs en Russie et
avec ses 200 collaborateurs, dirigés par Khalil Pacha et d’autres officiers
turcs, aidait à l’Armée rouge pour la« libération » de l’Azerbaïdjan[4].
Source : www.google/image.fr
La Turquie, toutefois, préoccupée par les puissances occidentales pour son indépendance, avait besoin d’un soutien militaire et diplomatique de la Russie soviétique. En 1920, la Russie a engagé des contacts étroits avec les représentants de Mustafa Kemal, venu à la tête de l’administration turque. L’offensive des troupes britanniques à Istanbul, le 16 mars 1920, ont eu une influence déterminante sur la nature des relations turco-soviétique pour l’obtention de l’aide militaire. Nous lisons dans la lettre de Mustafa Kemal envoyée à Lénine le 26 avril 1920 les lignes suivantes : si les forces soviétiques commencent les opérations militaires contre la Géorgie ou bien avec les relations diplomatiques obligent la Géorgie à entrer dans l’union pour qu’elle expulse les Britanniques du territoire du Caucase, le gouvernement turc entreprendrait des opérations militaires contre l’Arménie impérialiste et s’engagerait à obliger la République d’Azerbaïdjan à entrer dans l’État soviétique (Аliyev, 1995 : 203).
Le rapprochement avec les Turcs a donné une chance supplémentaire aux bolchéviks de réussir à attirer une masse de la population musulmane du Caucase vers eux. Comme l’a signalé Ordjonikidze à Lénine : Juste après la prise de Bakou, les soldats et les officiers turcs ont joué un rôle très actif en faveur de la révolution qui a obligé le gouvernement à s’enfuir de Bakou (Volkhonskiy, Мoukhanov, 2007). Le chercheur R. Moustafazadé pense que l’approche de la Turquie kémaliste avec la
Russie soviétique est le facteur le plus important dans la chute de la
République démocratique d’Azerbaïdjan (Мoustafa-zade,
2006 : 44). Paul Dumont (1977/1 : 169) souligne dans son article : les
relations turco-soviétiques de 1919-1922 que :La stratégie nationaliste avait
dès cette époque comme axe principal de la création d’une frontière commune
avec les bolchéviks afin de faciliter l’arrivée de l’aide escomptée. Il
s’agissait en somme, en échange d’un soutien soviétique à la cause Anatolienne,
d’aider à la bolchévisation de l’Azerbaïdjan, de la Géorgie et de l’Arménie.
Après l’occupation de Bakou, la promesse de XIe Armée rouge de partir sauver la Turquie n’est pas réalisée. Les officiers turcs étaient soit arrêtés soit renvoyés en Turquie. Mustafa Subhi même était assassiné à Trabzon. Les Turcs pensaient que l’arrivée de l’Armée rouge en Azerbaïdjan porterait un coup à l’Entente, à leur ennemi commun et que cela contribuerait à une collaboration plus effective entre la Turquie et les Soviets. Le désintérêt de la soviétisation du pouvoir d’Ankara a causé, en mars 1922, la dégradation des relations turco-soviétiques et la reprise d’une collaboration avec les Alliés et d’un bon voisinage. Comme l’explique Paul Dumont : […] Mustafa Kemal a souhaité améliorer l’image de marque de la Turquie nationaliste avant de se lancer dans des négociations avec des Alliés. Il s’agissait […] de signifier au monde capitaliste que la Turquie était fermée au communisme et qu’elle ne tolérerait jamais une immixtion bolchévique dans ses affaires. (Dumont, 1977/1: 184).
Conclusion
La période suivant la Révolution
d'Octobre 1917 a été cruciale pour la Russie et la région du Caucase, marquée
par des transformations profondes et des rebondissements géopolitiques majeurs.
La perte de Bakou et l'établissement d'une République soviétique en Azerbaïdjan
ont non seulement affaibli l'économie russe, mais ont aussi jeté les bases d'un
contrôle soviétique durable sur le Caucase. L'alliance entre la Turquie
kémaliste et les bolcheviks, bien qu’initialement prometteuse, a rapidement cédé
à des divergences d'intérêts, soulignant les tensions entre aspirations
nationales et idéologies politiques. Ce contexte complexe a profondément
influencé la dynamique régionale, favorisant une domination soviétique qui
perdurera pendant des décennies. L'analyse de cette période révèle
l'interconnexion des événements à l'échelle locale et internationale, façonnant
ainsi l’avenir de nombreux pays du Caucase et leurs relations avec les grandes
puissances de l'époque.
Bibliographie.
1. Constant Antoine (2002) L'Azerbaïdjan,
Karthala (Méridiens), Paris.
2. Arzumanlı Vaqif, Mustafa Nazim (1998), Tarixin
qara səhifələri, Deportasiya. Soyqırım.
Qaçqınlıq, Bakı,
Qartal.
3. Arzumanliı Vaqif (2001) Azerbaycan Diasporu,
Bakı, Qartal.
4. Əliyev Zaur Bilal
oğlu. “Zəngəzur dəhlizi: geosiyasi realliqlar və perspektívlər”. Bakı, 2023, 102 s.
5. Асадов Сaбир (1998), Историческая география
Западного Азербайджана, Баку, Азербайджан.
6. Ismayilov E.
Həsənov C. Qafarov T. (1995), Azərbaycan tarixi, Baki Oyretmen.
7. Asgarov Vazeh (2014) L’immigration
des Azerbaïdjanais,
L'immigration générale des Azerbaïdjanais, histoire et perspectives : le cas de
la France, Allemagne,
PAF, p.425.
8. Asgarov Vazeh (2022) L'immigration des Azerbaïdjanais en France, Edition
Kapaz, Strasbourg, France, ISBN: 978-2-492157-03-5, p.341.
9. Kyrou Ariel, Mardoukaiev Maxime (1989), Le Haut-Karabakh, vu du côté
Azerbaïdjan, in : HERODOTE, “Les marches de la Russie”, revue de
géographie et de géopolitique, IVe
trimestre 1989, N° 54-55.
10. Dumont Paul (1977), L’axe Moscou-Ankara. Les relations turco-soviétiques
de 1919 à 1922, in Cahiers du monde russe et soviétique, Volume 18, Numéro
3, p. 165– 193, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales.
11. Мustafa-zade Rakhman (2006), Две Республики: Азербайджанo — pоссийские отнощения в1918-1922гг, (Deux Républiques: relations
entre l’Azerbaïdjan et la Russie dans les années 1918-1922), Москва, МИК.
12.
Аliyev Igrar (1995), История Азербайджана с древнейших времен до начала XX века (Histoire de l’Azerbaïdjan de l’Antiquité au début du XX e
siècle), Баку, Элм, 202.
13. Hasanli Djamil (2008), Азербайджанская демократическая республика (La République Démocratique d’Azerbaïdjan), Баку, Salam.
14. Suleymanov Manaf
(1996), Azərbaycan milyonçuları: Hacı Zeynalabdin Tağıyev (Millionnaires
azerbaïdjanais: Haji Zeynalabdin Tagiyev), Bakı, Gənclik.
[1] Alexandre
Fiodorovitch Kerenski (né 02/05/1881 et
mort 11/06/1970) occupa divers postes ministériels dans les deux premiers
gouvernements du prince Georgy Lvov et après la Révolution de Février et fut le
président des deux suivants jusqu’à la prise du pouvoir par les bolchéviks à
l’occasion de la Révolution d’Octobre.
[2] Anton Ivanovitch Denikine (né
04/12/1872 à Pologne mort 08/08/1947 aux États-Unis). Général russe, chef
d’État-major dans les armées de la Russie impériale pendant la Première Guerre
mondiale, commandant en chef de l’armée des volontaires pendant la guerre
civile russe.
[3] Mustafa Subhi - (né 1883 à
Giresun, mort 29/01/1921 à Trabzon), révolutionnaire turc, fondateur et
président du parti Communiste Turc crée en juin 1920 à Bakou. En 1914 échappés
de la répression et réfugié en Russie, il commence à propager les idées
bolchévistes. En 1918 il fonde le journal Yeni Dünya (« un Nouveau Monde
»), qui préconise les idées de la révolution d’octobre 1917 parmi les
travailleurs musulmans de Russie et d’Orient. Arrêté par les gendarmes turcs à
Trabzon il est noyé en mer.
[4] À la fin de la Première Guerre mondiale, il y avait environ 60 000 000 de
prisonniers turcs sur le territoire de l’ancien Empire russe (Paul Dumont,
1977).