Le début du conflit de Karabakh
et les événements Soumgaït ?
Dr. Vazeh ASGAROV,
Docteur de l’Université de Strasbourg
Membre du conseil d'administration du Parti du Nouvel
Azerbaïdjan
Directeur exécutif de
l'Université franco-azerbaïdjanaise (UFAZ)
Aujourd’hui il y a 34 ans se
sont écoulés depuis les événements de Soumgaït, la troisième ville d’Azerbaïdjan
qui se situe au bord de la mer Caspienne à une trentaine de kilomètres au nord
de la capitale azerbaïdjanaise. Ces événements du 28 février 1988 faisaient
partie des provocations organisées et menées par le Comité de sécurité de
l'État de l'URSS avec les nationalistes arméniens contre l'Azerbaïdjan. Les
nationalistes arméniens, qui ont vécu dans le quartier pendant des siècles et
ont fait des plans insidieux contre l’Azerbaïdjan, ont poursuivi une politique
de génocide et de déportation contre les Azerbaïdjanais, ont recouru à une
autre provocation ce jour-là. Le but, comme toujours, était de former une
opinion erronée dans la communauté mondiale, de créer une ambiance
anti-azerbaïdjanaise. En présentant ce scénario sanglant à la communauté
mondiale, qui aurait opprimé et violé les droits des Arméniens, a en fait jeté
les bases d'une nouvelle étape de la politique de génocide et d'agression
contre les Azerbaïdjanais. Tous les témoignages prouvent que l'organisateur des
événements de Soumgaït était un Arménien, deux fois condamné Eduard Grigoryan
qui a lui-même personnellement tué cinq Arméniens lors des événements de Soumgaït.
En bref, les troubles ethniques à Soumgaït ont été l'aboutissement d'une série
de provocations ciblées à l'époque.
Artificiellement créé à la fin de 1987, le conflit du
Haut-Karabakh dès les premiers jours était perçu par le peuple azerbaïdjanais
comme une tentative dirigée contre l’intégrité territoriale du pays et la
violation des droits constitutionnels des citoyens. Le décret de la Présidence
du Soviet suprême de l’URSS du 12 janvier 1989, sur le sujet de l’introduction
d’un régime spécial à la région autonome, montrait l’idée de Moscou de
soustraire le Haut-Karabakh à l’administration de l’Azerbaïdjan.
Les premiers 400 réfugiés azerbaïdjanais déportés
d’Arménie se sont installés à Soumgaït, la troisième ville du pays. Après le
meeting antiturc organisé le 19 février 1988 à Erevan, la violation des
nationalistes arméniens a été augmentée encore plus. Les lieux des prochaines
manifestations furent fixés au Karabakh. Le but était de montrer au monde à
l’aide de la diaspora arménienne que les Arméniens du Karabakh, privés de leurs
droits, voulaient être rattachés à l’Arménie. Par la suite, ils préparaient un
scénario d’une tragédie à Soumgaït à l’aide des réfugiés installés il y a deux
ans de l’Arménie. Le 29 février 1988, les violences interethniques embrassant
Soumgaït font 32 morts (26 Arméniens et 6 Azerbaïdjanais) et plusieurs blessés
au bout de trois jours de conflit. Il y a deux choses qui attirent plus
l’attention : l’un des responsables de ces évènements, Eduard Grigoryan, était
d’origine arménienne et 15-20 jours avant de ces évènements, la population
arménienne de Soumgaït avait fermé leurs comptes des caisses d’épargne.
Plus tard, Levon Ter-Petrosyan, premier président de
l’Arménie a déclaré dans une de ses interviews que « Après les événements de Soumgaït, le peuple azerbaïdjanais était en état
de choc. Si les dirigeants du pays avaient saisi cette occasion pour décider de
l'annexion du Haut-Karabakh à l'Arménie, le peuple azerbaïdjanais n'aurait pas
pu protester ». Ces paroles prouvent clairement que la tragédie de Soumgaït était nécessaire pour que les Arméniens mènent à bien leurs actions
séparatistes.
Ariel Kyrou et Maxime Mardoukhaïev (1989 : 266) dans Le
Haut-Karabakh, vu du côté Azerbaïdjan, écrivent « Trois hommes ont
été jugés dans un semi procès après une simili-enquête : deux Azéris et un
Arménien, Grigorian, qui aurait tué cinq Arméniens ».
Dire que le conflit du Haut-Karabakh a commencé après les
évènements de Soumgaït ne correspond pas à la vérité. D’après les Azerbaïdjanais,
le conflit a débuté à la fin des années 1980 avec l’expulsion de la population
azerbaïdjanaise de l’Arménie et l’assassinat de deux Azerbaïdjanais à Askeran (Karabakh).
Mais ni la presse azerbaïdjanaise, ni la presse centrale n’ont rien communiqué.
Parce que cette période de l’histoire du conflit reste toujours inconnue,
jusqu’aux événements de Soumgaït, la tactique des nationalistes arméniens était
basée sur les menaces, chantages et intimidations. Par contre, sur les
incidents de Soumgaït les médias centraux présentèrent au public mondial
l’agressivité et l’inhumanité du peuple azerbaïdjanais. Pour le meurtre de 26
Arméniens à Soumgaït, 96 personnes ont été condamnées à la peine de mort.
Pourtant, l’opinion publique ne fut pas informée de la mort atroce de 317
Azerbaïdjanais en Arménie pendant cette période.
En mai 1989, Ziya Buniyadov, historien et président de l’Académie
nationale des sciences d'Azerbaïdjan, a proposé une version très particulière
des pogromes. Dans son article intitulé « Pourquoi Soumgaït ? », il
conclut que les Arméniens eux-mêmes ont projeté le pogrome de Soumgaït avec le
but de discréditer l’Azerbaïdjan et de stimuler le mouvement arménien
nationaliste en disant que : la tragédie de Soumgaït était préparée
soigneusement par les nationalistes arméniens. Quelques heures avant son début,
les rapporteurs photographiques arméniens et les équipes de tournage de la
télévision sont entrés secrètement dans la ville étant attendue du
développement de cet évènement. Le premier crime était conçu par un certain
Grigoryan, qui se présentait en tant qu’Azerbaïdjanais et qui, lui-même, avait
tué cinq Arméniens à Soumgaït (Bünyadov, 1989).
Ariel Kyrou et Maxime Mardoukhaïev (1989 : 266), en
soulignant d’autres détails, ajoutent « des leaders de l’Union pour
l’autodétermination nationale de l’Arménie, comme Paruyr Hayrikyan, exilé aux
États-Unis après son expulsion d’URSS, m’ont certifié qu’ils avaient de
nombreuses preuves que les premiers meurtres n’avaient pas été commis, ou tout
de moins dirigées par des Azéris, mais par des agents du KGB.
Lors de son interview, Victor Ilyukhin, le vice-président
du comité de la Douma de la Fédération de Russie souligne que « les
évènements de Soumgaït ont été provoqués par les Arméniens, à la même période
que l’expulsion des Azerbaïdjanais d’Arménie. De très nombreux Azerbaïdjanais
ont été expulsés, sans même leur permettre de prendre des documents et des
objets de première nécessité. C’était d’une grande cruauté ».
À la question : qui était intéressé par le pogrome des
Arméniens à Soumgaït? Il répondait : c’était avantageux pour l’Arménie,
pour un aventurier comme Levon Ter-Petrosyan. Ils ont préparé la « carte de
Soumgaït », au moment où il était la question de séparer le Karabakh de l’Azerbaïdjan…
Bref, ils ont joué un grand spectacle sur une grande tragédie.
À partir de 1988, les évènements n’étaient plus conduits
par les Azerbaïdjanais, mais par les séparatistes arméniens. Au mois de mars
1988, un décret spécial sur le développement socioéconomique de la région du
Haut-Karabakh a été adopté en URSS. La démarche fut la suivante : oukase du
Présidium du Soviet suprême de l’URSS, le 12 janvier 1989, sur l’introduction
de la forme particulière de gestion pour ôter l’autorité de l’Azerbaïdjan sur
la région autonome du Haut-Karabakh, puis transfert de la gestion au Comité de
l’administration particulière dirigée par le représentant du Centre, ce qui
signifiait la sécession du Haut-Karabakh. L’administration soviétique faisait
des efforts pour créer l’image d’une normalisation de la situation dans la
région, en accordant une attention particulière à ce problème. En même temps,
elle faisait silence sur la grande tragédie du peuple azerbaïdjanais. Sur cette
question la position neutraliste de l’administration azerbaïdjanaise trahissait
son peuple. Il était décidé en février 1988, lors d’une réunion du Soviet
régional de la Région Autonome du Haut-Karabakh (RAHK), sans la participation
des députés azerbaïdjanais, de séparer la RAHK de l’Azerbaïdjan et de la
rattacher à l’Arménie. Le 1er décembre 1989, le Soviet suprême du RSS d’Arménie
a adopté un décret sur l’annexion du Haut-Karabakh.
Ce décret était contraire aux Constitutions de l’URSS et
de l’Azerbaïdjan, selon lesquelles le territoire d’une République soviétique ne
pouvait être modifié que par un accord mutuel des républiques intéressées. La
politique tendancieuse de Moscou à l’égard de l’Azerbaïdjan a causé la colère
et des protestations massives. Pour contrôler la situation, Moscou choisit l’intervention
militaire. La nuit du 19 au 20 janvier 1920, l’armée soviétique, sans déclarer
l’état d’urgence, massacra au moins 137 personnes à Bakou et on releva des
centaines de blessés, de disparitions et d’arrestations.
Durant les années 1987-1991, dans le cadre de ce conflit
du Haut-Karabakh, on mit en place une politique d’expulsion complète de toute
la population azerbaïdjanaise d’Arménie ; près de 200 000 Azerbaïdjanais furent
expulsés. Si au début de XXe siècle, les Azerbaïdjanais représentaient presque
la moitié de la population de l’actuel territoire arménien, aujourd’hui selon
une statistique non officielle, en Arménie, hormis les prisonniers, il n’y
aurait plus un seul Azerbaïdjanais dans ce pays. Selon le chiffre non
officielle le nombre actuel des Arméniens habitant en Azerbaïdjan est de plus de
20 000 personnes. Une fois les territoires arméniens vidés, la prochaine étape
était celle du Karabakh. Entre 1992 et 1994, eut lieu le sanglant conflit
arméno-azerbaïdjanais du Karabakh.
A la suite des évènements de Soumgaït, les dirigeants du
gouvernement azerbaïdjanais de l'époque ont non seulement gardé le silence sur
le travail de l'équipe pour enquêter sur les causes des événements de Soumgaït
en faveur des Arméniens, mais ont également signé une décision injuste. Un
groupe d'enquête composé de représentants de l'ancien bureau du procureur de
l'URSS et du KGB, qui a enquêté sur les causes des incidents, a caché la
vérité, rejetant l'entière responsabilité des événements sur les
Azerbaïdjanais. Malheureusement, des représentants des forces de l'ordre
d'Azerbaïdjan, qui font partie de l'équipe d'enquête, au lieu de protester
contre l'injustice, ont participé au procès d'innocents. En conséquence,
environ 3 000 habitants innocents de Soumgaït se sont retrouvés derrière les
barreaux. 400 d'entre eux ont été traduits en responsabilité administrative et
94 personnes ont été traduites en responsabilité pénale.
Eyruz Mammadov, l'un des principaux enquêteurs sur les
événements de Soumgaït, a déterminé que les provocateurs à Soumgaït étaient le
Comité de sécurité de l'État de l'URSS, les agences de renseignement
arméniennes et les groupes extrémistes du parti Dachnaktsoutioun. Un fait
intéressant est que quelques jours avant les événements de Soumgaït, 36 employés
du KGB de l'URSS sont arrivés de Moscou. Selon l'agence locale, des groupes
extrémistes d'origine arménienne entraient dans la ville pour provoquer des
troubles à Soumgaït. Lorsque les responsables de Moscou en ont été informés, ils
ont interdit aux autorités locales d'intervenir.
Les services spéciaux arméniens, en collaboration avec le
Comité de sécurité de l'État de l'URSS, prévoyaient de mener une provocation à
Soumgaït sous le nom de code "Nalyotchik". À cette époque, le
procès d'Ahmad Ahmadov, arrêté en lien avec les événements de Soumgaït, s'est
déroulé illégalement à Moscou, et non en Azerbaïdjan. L'équipe d'enquête n'a
pas identifié les causes de l'incident, les circonstances du crime, les
véritables organisateurs et tueurs. 93 Azerbaïdjanais arrêtés ont été condamnés
à 2 à 15 ans de prison. Ahmad Ahmadov, qui a été reconnu coupable d'avoir
organisé les événements, a été condamné à mort par la Cour suprême de l'URSS le
18 novembre 1988.
La guerre du Haut-Karabakh, appelée aussi première guerre du Karabakh est le conflit armé qui
a eu lieu entre février 1988 et mai 1994 dans l’enclave ethnique du
Haut-Karabagh, en Azerbaïdjan du sud-ouest, entre les Arméniens et la
république d’Azerbaïdjan.