Umm El
Banu Assadoullayev
– Banine
Gazelle aux
yeux
noirs[1]
Photo d’archives R. Aboutalibov
Pendant la période de l’établissement
du pouvoir soviétique, la plupart des intellectuels, les représentants
des classes riches ne réussissent pas à s’adapter à la dictature des
bolcheviks et furent obligés d’émigrer. Aujourd'hui, on
redécouvre les noms
des
émigrés ainsi que les documents d’archives qui permettent aux générations d’aujourd’hui et demain pour
mieux comprendre le passé et surtout la situation de l’Azerbaïdjan et du Caucase au début du siècle dernier.
Jusqu’à l’année 1987, le nom de Banine
reste aussi inconnu des lecteurs azerbaïdjanais, avant qu’apparaissent les premiers articles sur
elle
dans des journaux comme Gobustan, Gandjlik, Azerbaycan. Umm El Banu Assadoullayev, pseudonyme Banine, est née en 1905 à Bakou, dans une famille de riches industriels de pétrole. Ses deux grands-pères Agha Musa Naguiyev et Shamsi Assadullayev sont connus comme les industriels pétroliers les
plus riches de l'époque. Son père Mirza
Assadoullayev (1875-1938) est ministre du
Commerce et de l'Industrie de la RDA. Avant sa naissance, la mère de Banine est liée à la période de la révolution de 1905 et envoyée dans un village éloigné de la région de Bakou.
Pendant l’accouchement, seule la petite Banine qui est survit. Elle et ses trois sœurs sont
élevées par une gouvernante allemande et des éducateurs européens. À treize ans seulement, avec ses trois sœurs selon le testament de son grand-père, elle
devient millionnaire.
Commençant très tôt l’enseignement, la jeune fille reçoit une très bonne
éducation, étudie
plusieurs langues
étrangères et
montre un très grand intérêt pour la
littérature.
En 1924, après l’installation de ses proches en
France, Banine saisit aussi une chance
d’émigrer
en
Turquie. Mariée de force à l'âge de quinze ans, elle divorce de son
époux qu’elle méprisait,
l’abandonne à Constantinople et part pour Paris. Comme tous les émigrés,
elle aussi pensait que la
séparation avec le pays serait longue, mais en tout cas temporaire. Les
cercles littéraires des
années 1920
et 1930 de Paris influencent
fortement
ses propres recherches. Avant de commencer à rédiger ses mémoires en français selon les conseils
de ses amis, Banine gagne sa vie en travaillant en tant que modèle, traductrice, vendeuse, secrétaire
et
autres métiers. En 1943, Jean Paulhan publie son premier roman Nami, qui sera bientôt suivi par deux récits autobiographiques, Jours
Caucasiens en 1945 et Jours parisiens en 1947
(réédité en 2003). Aussitôt, ses derniers romans lui font connaître un succès
énorme. Des personnes connues,
comme André Malraux, Ivan Bounine,
Nikos Kazantzakis,
Henry de Montherlant et
Ernst Jünger écrivent
des
lettres sympathiques
à la jeune romancière du Caucase. Sa meilleure amie Nadezhda Teffila fait entrer
dans l’Union des écrivains en exil de
Russie[2].
Dès la première rencontre de Banine avec Ivan Bounine, Lauréat du Prix Nobel de littérature,
ce dernier
admire la beauté
orientale de Banine et
l’appelle toujours, soit la Princesse de Shamakhi, ou la Gazelle aux yeux noirs[3].
Photo d’archives R. Aboutalibov
Notons que Banine, tout au long des années, ignore les contacts avec ses compatriotes
en
émigration. Elle se soucie du fait que
le pouvoir azerbaïdjanais se réconcilie facilement et sans lutte avec les Bolcheviques. En 1981,
Ramiz Aboutalibov envoyant une invitation à une
exposition de tapis Azerbaïdjanais ne comptait pas sur la présence
de cette fameuse dame.
Mais au contraire, elle accepte son invitation et cette rencontre sera le début de leurs amitiés. Il accumule beaucoup de souvenirs de Banine. Dans l’une de ses rencontres avec elle, il lui
fait faire connaissance avec
un peintre Azerbaïdjanais. Avant son départ, l’artiste offre à Banine deux boîtes de caviar. Ayant une « langue acérée» Banine prend le cadeau et répondit avec ironie:
est-ce tout ? En
partant, nous avons laissé beaucoup
plus que cela.
Hasan Gouliyev divise le travail de Banine en deux parties
: les
œuvres contenant des
sujets et des éléments sur l’Azerbaïdjan, plutôt mémoratives et rétrospectives et les œuvres exposant des thèmes
français et européens.
Et pourquoi ? L’auteur explique cette double tendance autobiographique dans ces ouvrages, car elle appartenait à deux mondes
: avec ses origines azerbaïdjanaises à l’Orient et avec sa mode de vie et son éducation
à l’Occident
(Gouliyev, 2004 : 61-62)[4].
Photo d’archives R. Aboutalibov
Umm El Banine Assadoulayev s’éteignit le 23 octobre
1992 à l’âge de 87 ans à
Paris.
Son
père, Mirza Assadoullayev (1875-1938), a meurt à Paris et a été enterré dans le cimetière de Bobigny. La tombe de son jeune frère Nadir (1919-1939) et celle de sa sœur aînée Govsar se trouvent juste à côté. Les autres grandes sœurs de Banine, Suraya (la tombe n’a pas été retrouvée) et Kübra sont aussi enterrées à Paris dans le cimetière des Batignolles. Le beau- frère de Banine,
Shamsi (fils de second mariage Mirza) mort aussi à Paris (R.Aboutalibov 2008).
Outre ouvrages
cités, Banine a
également publié :
Après, Stock, 1962, L'Homme des
Complémentaires,
La Table Ronde, 1977.
[2] Nadezhda Aleksandrovna Lokhvitskaya pseudonyme Teffi, née le 21/05/1872 à Saint-Pétersbourg morte le 06/10/1952 à Paris, était une humoriste et écrivain russe. Ses contes fortement dessinés fonction Field Marshals réduits à conduire des taxis, des ex femmes de la noblesse russe à s'habiller comme des Gitanes pour servir le thé dans les cafés, et d'autres membres naufragés de l'ancienne élite de la Russie. Après la révolution d’Octobre, elle s’installa en France et participa à la publication de certains magazines. Un recueil de ses meilleurs contes, Tout à propos de l'amour (édition : La Presse française et étrangère) a été publié en 1985 et traduit en plusieurs langues
[3] La Princesse de Shamakhi est tirée du compte Le Coq d’or (1834) d’Alexandre Pouchkine. Il existe 33 lettres d’Ivan Bounine envoyés à Banine. Les copies des lettres ont été confiées par Banine au Fond de la Culture soviétique.
[4] Dans les deux romans Jours Caucasiens et
Jours parisiens, Banine décrit avec passion les événements tragiques et difficiles
de sa vie et celle de sa famille au pays et l’émigration aux lecteurs français et européens.
Bibliographie:
1. Altstadt Audrey L. (1992) The Azerbaijani Turks: Power and Identity under Russian, Rule, Hoover Institution. Stanford University, Studies of Nationalities in the USSR Series.
2. ArzumanliI Vagif (2001), Azerbaycan Diasporu (Diaspora d’Azerbadjan),Bakou, Qartal.
3. Asgarov Vazeh (2014) L'immigration des Azerbaïdjanais: L'immigration générale des Azerbaïdjanais, histoire et perspectives: le cas de la France", 2014 PAF, 424p.
4. Balçi Bayram (2008), La place de la « diaspora » azerbaïdjanaise dans la politique de l'Azerbaïdjan postsoviétique : esquisse d'analyse, EurOrient, 28, pp. 185-204.
5. Constant Antoine (2002) L'Azerbaïdjan, Karthala (Méridiens), Paris.
6. Ibrahimli Xaleddin (1996), La politique d’immigration d’Azerbaïdjan, (1918 - 1991), Bakou, Elm.
7. Məmmədzadə Mirzə Bala (2007), Köylü hərəkatı, Leninin milli siyasəti (Mouvement paysan, la politique nationale de Lénine), Bakı, édition inconnue.
8. Svyataçovski Tadeuş (2000), Rusiya və Azərbaycan : sərhədyanı bölgə keçid dövründə (Russie et Azerbaïdjan : la région frontalière au cours de la période de transition), Bakı, Xəzər Universitəsi
9. Tahirli Abid (2002), Azərbaycan mühacirəti mətbuatı I hissə (La littérature azerbaïdjanaise à l’émigration Ier partie), Bakı, QAPP-Poloqraf.
10. Tahirli Abid (2003), Azərbaycan mühacirəti mətbuatı II hissə (La littérature azerbaïdjanaise à l’émigration IIème partie), Bakı, Ozan.
11. Tahirli Abid (2005), Azərbaycan mühacirət mətbuatında publisistika (1921-1991) (La publication de la littérature azerbaïdjanaise à l’émigration), Bakı, CBS.
12. Tahirli Abid (2007), Azərbaycan mühacirət mətbuatı (1921-1991) (La littérature azerbaïdjanaise à l’émigration), Bakı, Çinar Çap.
13. Yaqublu Nəsiman (1999), Azərbaycan milli istiqlal mübarizəsi və Məmməd Əmin Rəsulzadə (La lutte pour l’indépendance nationale et Memmed Emin Rasoulzade),Bakı.
14. Yaqublu Nəsiman (2005), Azərbaycan legionerləri (Les légionnaires d’Azerbaïdjan), Bakı, Cıraq.
15. Yaqublu Nəsiman (2008), Əbdurrıhman Fətəlibəyli-Düdənginski, Bakı, Adiloğlu.
16. Гулиев Гасан (2004), Эмигрантская литература азербайджана, Баку, Нурлан.
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